Yaoundé :Le régime réprime une marche de paysans

Un défenseur de la cause violemment tabassé et de nombreux marcheurs raflés dans la nuit.Quartier Elig Essono ce 31 mai 2012. Il est bientôt 10h. Le tronçon routier dit Rue Ceper est bloqué depuis l’entrée qui débouche sur l’axe principal du

 

quartier Elig-Essono. Une dizaine de policiers filtrent le passage. Les taxis spécifiquement sont interdits d’accès. Seuls quelques véhicules personnels soigneusement contrôlés peuvent avoir le privilège d’y accéder. La marche de protestation des paysans sous la coordination de l’Association citoyenne de défense des intérêts collectifs (Acdic) semble déranger les autorités de l’arrondissement de Yaoundé 1er.L’ambiance qui règne dans les environs de cette organisation non gouvernementale (Ong) est assez révélatrice du climat qui y règne. Deux longs bancs sur lesquels sont assis des policiers bloquent l’entrée. En tout, une trentaine de flics en ténue et armés de matraques ont assiégé les lieux depuis 6h, d’après un voisin. Certains sont reconnaissables en ténue civile, alors que de nombreux autres « tuent le temps » dans les gargotes du coin. A l’intérieur, environ quatre cents paysans défilent entre le siège de l’Acdic et une vielle bâtisse qui a servi d’enclos et de ferme pour la volaille prévue pour la marche qui n’aura pas lieu.«On s’apprêtait à sortir, ils nous ont dit que la marche est interdite ; nos dirigeants ont tenté de leur expliquer que jusqu’à hier, on n’avait pas refusé, mais ils ont insisté», raconte un paysan venu de Nguelemndouka. Exactement à 8h30, précise Bernard Njonga, le président de l’Acdic. «Un planteur qui n’était pas avec eux, mais disait épouser la démarche et qui tentait d’expliquer aux policiers qu’il n’est pas bon d’étouffer des gens qui ne font qu’exprimer leur mécontentement, a été rageusement tabassé par les policiers», raconte une consœur, appuyée par des témoins de la scène. Les près de 400 marcheurs sont donc résignés à marcher sur place : «Il y a un corridor entre notre siège et le bâtiment d’en face ; nous avons fait sortir ces bêtes pour marcher sur 10m. Nous avons chanté, nous avons dansé en exhibant nos pancartes, au son de la fanfare, pour satisfaire ces paysans qui voulaient faire entendre leurs voix». La marche n’a pas eu lieu, le mémorandum qu’ils devaient remettre aux autorités a finalement été remis à la presse pour divulgation. Durant une bonne partie de la journée, la police est restée sur place, filtrant même l’accès aux habitations du coin.

 

Motif de satisfaction

«Il est même dit qu’ils vont changer d’équipe, parce qu’ils disent que tant que nous serons là, ils continueront de camper autour de nos bureaux», poursuit-il. «Ça, ce n’est pas normal ! Nous ne sommes pas en état de siège ici», dénonce Bernard Njonga. Alors que l’on approche vers 14h et qu’il vient de recevoir quelques hauts cadres de la police et de la gendarmerie qui tiennent à mieux comprendre les intentions de celui qui commence à habituer l’opinion à des revendications concernant le monde paysan. Il est jusqu’aux photos affichées sur les murs de l’Ong qui suscitent la curiosité de ces derniers.

Alors que les manifestants sont repliés à la cuisine pour préparer un grand festin en leur propre honneur, l’organisateur en chef de la marche étouffée peut enfin avoir l’occasion de sortir répondre à quelques sollicitations à l’extérieur de la maison. Pour Bernard Njonga, il y a un motif de satisfaction : «ça a été un bon moment de formation pour bon nombre de ces paysans. Beaucoup d’entre eux n’avaient jamais compris ce que veut dire marcher», se réjouit-il. Mais pas pour en rester là : «nous reviendrons très prochainement tant que nos revendications ne seront pas satisfaites». Il va falloir engager désormais une autre bataille pour sortir les 37 paysans enlevés dans la nuit par la police qui, dit-on «est venue les ramasser en bordure de route près d’ici (siège Acdic) en disant qu’ils font une rafle», selon une vieille dame.

 
Lindovi Ndjio   

Mise à jour le Mercredi, 01 Juin 2011 10:07


mboasawa

3713 Blog des postes

commentaires