Présidentielle : Le vote tribal expliqué au citoyen



 

Jean Paul Mbia analyse les attitudes électorales adossées sur la fibre ethno régionale.

Entre Jacques Fame Ndongo et Jean Paul Mbia, la différence ne tient qu’à bien peu de choses, si jamais celles-ci existent. Dès le titre de l’essai publié aux éditions «Les presses universitaires de Yaoundé», on reconnaît la marque du maître sur le disciple : La République au village : entre logiques locales et dynamiques glocales. C’est d’ailleurs sans surprise que ce livre de 280 pages est dédié au ministre de l’Enseignement supérieur. L’ouvrage, apprend-on a été écrit «à l’ombre de ce chêne de la co-naissance épurée, féru des lettres acrolectales, étincelantes et assonantes, chantre de la Communication africaine, comme science qui fait sens dans l’existence, exégète de l’idéologie socio-humaniste et libérale du président Paul Biya et moine défricheur de la nouvelle gouvernance universitaire».

Dans cet essai préfacé par le Pr Janvier Onana, agrégé des sciences politiques à l’université de Douala, Jean Paul Mbia s’applique à observer le comportement électoral des populations du quartier New-Town, un quartier de Mbalmayo, ville située dans la périphérie de la capitale. L’auteur indique que la crise économique traduite par la baisse du pouvoir d’achat, la fermeture de deux entreprises forestières, l’arrêt des activités à la gare ferroviaire, la fermeture de plusieurs magasins et des stations services ainsi que la hausse des prix des denrées de première nécessité a entraîné le renforcement des liens psycho-affectifs et ethno régionalistes. On a ainsi assisté à la politisation des comportements au quartier New-Town.
«Lors du scrutin du 11 octobre 1992, la ville (circonscription électorale) a enregistré un taux d’abstention de plus de 48%. Le quartier New-Town, zone cosmopolite et populaire, a administré un vote sanction au Rdpc (8% au Rdpc contre 92% au Sdf, parti nouvellement implanté). Les onze autres quartiers avaient, quant à eux, offert leurs voix au parti présidentiel», explique l’auteur, qui fait une exploration dans cette enclave politique de l’opposition qu’il présente comme «un laboratoire social».

Ce quartier l’est d’autant plus que dans un autre, essentiellement peuplé de ressortissants du grand Nord, les populations n’ont pas automatiquement voté Undp, mais plutôt en faveur du Rdpc, le parti au pouvoir.
Pour le chef de la cellule de communication du Minesup, les partis politiques et l’environnement économique dégradé à Mbalmayo ont contribué au façonnage de la logique de la contestation ainsi que de leurs partis sur la scène politique du quartier New-Town. Jean Paul Mbia note du reste que les médias et les partis politiques ont constitué dans leurs actions idéologiques de manipulation de l’opinion, des pôles d’interférences (viol des consciences, l’orchestration, le grossissement, l’univocité des messages, la piqûre hypodermique). Ces forces politiques motrices, croit-il savoir, ont joué un rôle déterminant dans l’activité politique et la construction des schèmes comportementaux, notamment au quartier New-Town.

Ainsi que l’écrit le préfacier de cet ouvrage, Janvier Onana «Jean Paul Mbia corrige cette vision quelque peu fantasmagorique : le «village» ne saisit pas forcément la «République» sous le mode de la mêmeté (comme eût dit Ric?ur). Le «laboratoire urbain» impose de prendre en compte les structures d’opportunité et aussi les contraintes socioculturelles contextuelles, au nombre desquelles la dialectique (plutôt que l’opposition) entre urbanité et ruralité et tout particulièrement, le phénomène de configuration de l’urbanité sous le mode d’une superposition différentielle de registres de ruralités multiples (cosmopolitisme)».
En dépit du style de l’auteur, qui peut paraître pédant, la République au village révèle un cas intéressant dans la sociographie électorale au Cameroun. L’ouvrage de Jean Paul Mbia est surtout riche en informations sur l’évolution politico-médiatique du Cameroun depuis le retour au multipartisme, en 1990. Les chercheurs qui s’intéressent de près à la ville de Mbalmayo trouveront également leur compte dans le fond documentaire servi au lecteur de cet essai, qui, à en croire l’auteur, sera suivi de deux autres, dont la rédaction est achevée.

Georges Alain Boyomo

 


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