
Ils exigeaient à cor et à cris à l'artiste Danielle Eog de "bisser", sans oublier que les refrains encore inconnus des minutes avant étaient repris en chœurs. Qualifié de difficile, c'est pourtant le public de Douala qui a offert à cette jeune Camerounaise, fleurs, applaudissements nourris et standing ovation. Pour comprendre cette alchimie qui est née entre le public d'un soir et une artiste au goût affirmé pour le métissage, il faut se replonger dans ces moments mémorables qui ont commencé dans la salle de spectacles du Ccf de Douala à 20h15mn.
L'apparition de Danielle Eog sur la scène du Ccf avait quelque chose d'irréaliste. Dans un style de rupture, pieds nus, elle arborait une paire de jeans avec un boubou léger aux motifs africains avec un turban qui lui donnait un faux air de Erica Badu. Ses trois choristes, Martine, Sanzy Vialey et Mary-G Lissom, avec la même tenue, complétaient le tableau avec des allures des choristes de Bob Marley and the Wailers. Avec Serge Maboma à la basse, Rudy Ekwa à la batterie, Guy Onie à la guitare et l'excellent Joseph Ebodé au double piano, les ingrédients étaient réunis pour que le public goûte à la sauce Eog. Elle ne fut pas mauvaise.
Au contraire dès les premiers airs de “Sourire à la vie”, le silence s'est fait seul. Pour mieux écouter ce mélange de Bossa nova, de Soul, de Jazz, de Makossa, Reggae et de Hip hop. C'est quoi cette musique qui se métamorphose aussitôt que l'on décrypte une ligne d'un air qu'on croit connaître. C'est le cas des titres Dry My tears, Tobassi, Ndolo de toi. "C'est l'Afro Soul, qui naît de beaucoup de rythmes dont j'ai décidé de ne retenir que l'essentiel qui me touche pour vous communiquer une émotion", explique Danielle Eog. Un spectateur emporté par la voix de velours qui s'unit aux notes épurées du piano et de la guitare dans Passe sur terre, s'écrie "Enfin la vraie musique !". Mais Danielle n'a pas tout montré.
Assise. Debout. Juchée sur son tabouret. Jouant de la guitare. Balançant avec grâce ses bras et bougeant avec sensualité son bassin, arrachant une "Vive l'Afobo" à un admirateur. La voix de Danielle est restée la même. Transmettant la même émotion. Chaude et vraie. Mais cette artiste complète et plurielle, qui a fait les premières partie de Richard Bona, Lokua Kanza, Les Nubians, a d'autres cordes à son arc. Elle est polyglotte, chante en français, anglais, bassa, ewondo, duala, créole, pidgin et a une écriture recherchée.
Parfois poète, pour parler de la femme noire, elle chante avec un sourire entier qui permet de découvrir de belles fossettes, "Je suis une femme, je tiens le monde dans mon âme", ou encore dans “Bonheur” où Danielle susurre à son amour que "Je sais que tes peut-être sont des oui qui ont peur d'être". Le public qui s'est rendu au Ccf de Douala vendredi dernier a été comblé d'avoir passé une soirée exquise en compagnie d'une jeune artiste à la musique mature. Danielle Eog a sélectionné le meilleur de ses composition qu'elle a regroupées sous le nom "Okiri", c'est-à-dire demain en béti. C'est un signe, car Douala lui a déjà ouvert ses bras pour un demain meilleur.