Livre – Dédicace
“ Si on avait publié cet ouvrage en 2005, nous aurions été traités de visionnaires car tout ce qui est dit dans ce livre se trouve exprimé par la rue ces derniers temps ”, jubile presque Angeline Solange Bonono, la seule femme qui a contribué à l’ouvrage collectif. Les auteurs de “ Cameroun mon pays ”, paru cette année 2008 aux éditions Ifrikiya, se sont retrouvés en partie mardi dernier à la librairie des Peuples Noirs à Tsinga à (Yaoundé) pour la cérémonie de dédicace. Patrice Nganang, auteur et enseignant de littérature à Vassar College aux Etats-Unis, était l’invité. Huit des quinze auteurs étaient présents : Patrice Nganang, Joseph Fumtim, le directeur de la Collection Interlignes, Jean Claude Awono de la Ronde des poètes, Angeline Solange Bonono, Kouam Tawa, Alexie Tcheuyab, Armand Leka Essomba, Valentin Zinga, co-auteur et modérateur.
Joseph Fumtim fait l’historique de “ Cameroun mon pays ” du 28 janvier 1997 quand un groupe d’intellectuels dont feu Mongo Beti lance un appel pour la rédaction d’un livre blanc sur le Cameroun. Essais et articles du défunt homme des lettres constituent la matière première de l’ouvrage. “ C’est d’ailleurs la raison pour laquelle l’ouvrage lui est dédié ”, situe le directeur de la Collection Interlignes. De huit contributions au départ, le nombre passe à quinze dont Achille Mbembe, Célestin Monga, le préfacier, et les autres. “ L’ouvrage ne naît donc pas des derniers mouvements ”, réplique à mi-mots l’orateur à ceux qui croiraient que l’ouvrage s’inspirerait des émeutes d’il y a trois semaines.
Chacun des auteurs présents expose en quelques mots son thème. Angeline Solange Bonono décrit dans “ Une fiction bien camerounaise ” le quotidien des Camerounais fait de faim. Alors que le Cameroun regorge de ressources. “ C’est un peuple de zombies qui se battent pour rester debout”, voit-elle. Kouam Tawa avoue sa colère extériorisée dans “ Terre mienne ” à la pensée du Cameroun étendu à l’Afrique. Jean Claude Awono revisite le parcours du Cameroun sous Ahidjo. Il se souvient de la joie de vivre malgré les “ pieds nus, culottes éclatées aux fesses ”. Armand Leka Essomba dénonce la place disproportionnée que la date du 20 mai 1972 occupe dans l’histoire du Cameroun et suggère de “reconsidérer la fête de l’indépendance ”. Alexie Tcheuyap explore le vocabulaire dans le discours politique avec des termes tels que : “ Mangeoire, ventrocratie, budgétivore, ethnocratie ”. Patrice Nganang fait un témoignage sur son voyage de Douala à Yaoundé avec cette forte présence de militaires armes au poing. Dans une espèce de diatribe, Patrice Nganang se demande où sont les intellectuels camerounais “ quand des jeunes sont condamnés de manière si expéditive, quand la loi fondamentale est violée ? Que faisons-nous de notre pays ? A qui appartient-il ?”.
“ Cameroun mon pays ” jette le doute dans les esprits de ceux qui pouvaient encore croire à l’avenir au point d’inspirer l’exil. N’eût été cet espoir entretenu par Alexie Tcheuyap : “ Enfin, il fait bon vivre au Cameroun depuis deux semaines ”, pour corroborer les propos d’une enseignante d’histoire qui rassure qu’au “ vendredi saint, le chrétien peut être sûr qu’il y aura Pâques ”.