L’on savait le « sorcier de la guitare » très malade. Jean Bikoko Aladin s’est éteint le jeudi 22 juillet à l’hôpital central de Yaoundé à la suite d’une opération chirurgicale. Auteur, compositeur et interprète, il a largement contribué à la popularisation de l’assiko par sa virtuosité et sa technique de jeu de guitare. D’ailleurs, la présidente du conseil d’administration de la société camerounaise de l’art musical (Socam) est toute éplorée. « Le monde musical vient de perdre un millier. Son œuvre lui survivra et salut l’artiste », a déclaré Odile Ngaska, approchée en fin de matinée, après l’annonce du décès de l’artiste.
Né à Eséka, une petite ville de la région du Centre, Jean Bikoko Aladin tombe amoureux de la guitare en écoutant des virtuoses de la commune de Bonepoupa comme Henri Hiag, Massing et surtout Albert Dikoumé considéré comme l’un des précurseurs de l’assiko contemporain. Dès lors, il commence à gratter sur des guitares de fortune en ronce ou en bambou qu’il fabrique lui-même. Installé plus tard à Song-Mbengue, la commune cosmopolite du célèbre footballeur Samuel Eto’o Fils, Jean Bikoko Aladin travaille comme ouvrier le jour. La nuit, muni de sa guitare, il anime les cabarets et bars du village sans jamais percevoir son cachet perçu par son manager.
Jean Bikoko Aladin rejoint Douala, ville portuaire et capitale économique du Cameroun. Là, il exercera de petits boulots de blanchisseur et de cuisinier…sans jamais perdre de vue la musique. Sa rencontre avec le virtuose de la guitare Alexandre Ekong, une grande vedette qui passe souvent à Radio Douala, va changer sa vie. Ce dernier lui explique les ficelles du showbiz et qu’il fallait être prêt à « remplir deux grands barils d’eau de puits » pour être invité à la radio. Aussitôt dit, l’ex cuisinier du forestier Bienes à Bonepoupa, se met à la tâche et va pour la première fois interpréter sur les ondes deux compositions aux lignes de guitare tournoyantes et chantées en bassa (sa langue) : « Mbimba » (l’aura) et « Koo wada a man lolo » (les petits pas du caneton). C’est le succès immédiat et le début d’une renommée nationale.
Bientôt, le producteur Joseph Tamla du label Afrique Ambiance et l’ingénieur du son Samuel Mpoual le prennent sous leurs coupes. Quelques mois plus tard, ils produisent son premier 45 tours Mbimba / Koo wada a man lolo à la fin des années 1950 et Jean Bikoko Aladin perçoit ses premiers droits d’auteur s’élevant à 300.000 Fcfa…Une fortune à l’époque. A cette époque où l’assiko est joué en acoustique (guitare, bouteille, fourchette), Jean Bikoko Aladin innove en accélérant la rythmique avec l’introduction de la guitare électrique, la contrebasse et les tambours. Il y ajoute aussi la danse. Encadré par ses producteurs qui voient en lui une future grande vedette, il commence à tourner dans les divers clubs du littoral, partageant même la scène avec Manu Dibango.
Maître Jean Bikoko Aladin
Devenu la vedette de l’assiko, Jean Bikoko Aladin & ses Hetlers sont invités dans plusieurs pays d’Afrique et participent à nombre de manifestations officielles dont le Festival Culturel Panafricain d’Alger en 1969, l’année de la sortie de son 33T Wanda ntet, et le Festival des Arts Nègres de Lagos en 1977. Entre-temps, Jean Bikoko Aladin ouvre dans sa ville natale d’Eséka un bar restaurant auberge (1972), mais ce projet ne durera pas longtemps. Il assurera les premières parties de Tino Rossy et de Claude François en tournée au Cameroun et sera invité à dîner chez le couple Johnny Hallyday / Sylvie Vartan lors de sa venue en France.
Auteur de nombreux titres dont les populaires « Di yanna », « Hiki djam ligwe nguen », « Makabo Maoo », « Saï mbog », « A yiga tjo me », « Wanda ntet », « Ndutu bakeke » ou encore « Jolie Yem », Jean Bikoko Aladin réalise en 2003 Um Nyobo, un album hommage à Ruben Um Nyobe, leader nationaliste camerounais et un des pionniers des indépendances en Afrique francophone né en 1913. Il sera assassiné le 13 septembre 1958. Suivra en 2008 Assiko Story (CD/DVD). Considéré au Cameroun comme le « sorcier de la guitare », cet immense compositeur de l’assiko moderne est bien le maître de nombreux artistes dont Asta Djimbé Ngo-Oum Touk, Sam Babe, Samson Chaus Gars, Anny Gold, Anathole Duro, Défense, Mongo Mbea, Viviane Etienne, Paul Balomog, Fleur Devault, Kilama, Kon MBogol, Nella, Kristo Numpuby et bien d’autres encore…
Justin Blaise Akono et Afrisson.com
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