Grandeurs et misères d’un colonisateur

Le système portugais d’exploitation de l’Afrique a fait l’objet d’un livre d’histoire écrit par un Camerounais. par Maurice Simo Djom


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Le parcours colonial portugais en Afrique est atypique. Jean-Philippe Guiffo rapporte que, pour justifier la continuité de la colonisation de l’Angola et du Mozambique au moment où les colonies françaises et anglaises étaient déjà indépendantes, le président Salazar disait en 1956 : 

« Par sa clairvoyance politique ou par un dessein de la providence, le Portugal s’est efforcé de s’unir, sinon de se fondre, avec les peuples découverts et de constituer avec eux les éléments intégrants d’une seule et même patrie ».
Une boutade qui aura suffi pour susciter l’interrogation de l’auteur. La démarche de Jean-Philippe Guiffo se fonde sur le constat de la survivance de l’empire colonial portugais à l’orée des années 1960. La question se pose donc de savoir si l’unité de la nation portugaise avancée par Salazar correspond effectivement à une réalité juridique. Des éléments de réponse à cette question vont être répertoriés dans la première partie intitulée : « L’égalité juridique des provinces ». L’auteur recense les dispositions juridiques prévues dans les provinces d’outre-mer et de la métropole. L’on distingue des électeurs et des sujets réunis sous le manteau de la citoyenneté portugaise.
Les rappels historiques conduisent au constat selon lequel le traitement des « citoyens » dans les provinces d’outre-mer est à géométrie variable : la discrimination entre les « indigènes » d’une part, et d’autre part, les Portugais de naissance s’étend aussi bien au niveau salarial, fiscal que dans l’éducation, la santé et le système de travail. Ce qui vaut l’expression de « politique d’assimilation au rabais ».
Cette situation d’injustice poussera des nationalistes à prendre des armes contre le pouvoir portugais. D’où la longue lutte de libération nationale qui, pour le cas de l’Angola, ne prendra fin qu’en 2007. Ce qui poussera le gouvernement central du Portugal à prendre des mesures plus libérales.
Après le statut des citoyens, « la différenciation politique et administrative des provinces » fait l’objet de la deuxième partie : la dénonciation du pillage économique des provinces par le Portugal. Le pays de Salazar a trouvé en Angola et au Mozambique des ressources économiques pour compenser sa faiblesse économique : café, maïs, diamant, et bien entendu, le pétrole.
Dans ce livre d’histoire de Guiffo, la part belle est faite à la barbarie du Portugal pendant la lutte de libération nationale : arrestations, procès, exécution, etc. Elle atteint son apogée le 4 février 1961, avec le massacre de 3600 indigènes à Luanda et 5000 à la Boixa de Cassange. Il prend fin à l’orée de la révolution des Œillères du 25 avril 1975.

Jean-Philippe Guiffo
L’Angola et le Mozambique à l’aube du 25 avril 1974
Editions de l’Essoah, 2007
140 pages

mboasawa

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