Patrice Nganang aime beaucoup le Cameroun. Et c’est peu de le dire à la lecture de son dernier livre qui est un recueil de textes initialement publiés essentiellement dans la presse camerounaise. Une activité qui remonte à bien loin que les deux dernières années. Car bien avant que ses réflexions et contributions au débat sur la marche du Cameroun ne connaissent une vitesse de croisière ces derniers mois, l’auteur de Temps de chien avait habitué lecteurs à une prise de parole pertinente et parfois conflictuelle dans les médias. Partageant ses idées sur un pays qu’il aimerait voir changé.
Là où d’aucuns relèveront, à juste titre, son aversion pour le régime actuel et son chef et son souhait de le voir disparaître pour laisser place à une nouvelle administration, une lecture attentive permet à un deuxième niveau d’apprécier le voeu d’un Cameroun nouveau.
Une bonne partie certes du recueil est consacrée au régime de Paul Biya et son administration, avec parfois une virulence qui n’a d’égal que sa volonté de voir ce dernier s’en aller. Mais où le livre devient intéressant est cette capacité que l’auteur, dans sa verve des plus sévère, a de partager son projet pour un avenir meilleur. Il ne fait ainsi point l’économie des différents secteurs qui sous-tendent la vie nationale. Passant allègrement de la politique à la sociologie et même à la philosophie, sans oublier le domaine de la littérature et de la culture dans lequel il baigne depuis plus de 15 ans et ses premières publications en librairie. C’est ainsi qu’après Mont plaisant il y a quelques mois, il revient avec ce recueil pour donner à réfléchir à ses compatriotes sur un pays qui va à va à vau-l’eau avec une élite politique qui appelle de son point de v?u un renouvellement salvateur.
Car si «Biya doit partir», comme il fait plus que le souhaiter, il y a qu’en face de ce dernier, la classe politique dite de l’opposition a «les cheveux blancs et les poches remplis de milliards en plus». Ce qui n’est pas de bon augure une fois l’heure de l’alternance venue. Dans sa colère, Nganang n’épargne pas l’intelligentsia qui à ses yeux est coupable de bien de maux. Florilège : «… dans le fond, l’échec intellectuel de Célestin Monga n’est pas de forme, mais de fond, lié qu’il est selon moi à son incapacité à répondre de cet impératif qui dès l’acte de fondation des sciences économiques camerounaises, a situé celles-ci en symbiose avec la formulation d’une vision alternative. (…) Je parle de ceci qui est une évidence : qu’il est impossible de formuler une vision alternative crédible pour les économies de nos pays à partir de la Banque mondiale.» (P58) A son «Grand frère» Achille Mbembe sur la question anglophone, Nganang osera maints questions au lendemain d’une sortie du brillant historien en 2007 dont en voici deux : «… comment se fait-il que vous qui dans les revues internationales, êtes reconnu comme le chantre africain de la globalisation, dans un journal de votre pays, vous proposez plutôt la culotte courte du nationalisme belliqueux ? Est-ce pour nous irriter ?»
Parfait Tabapsi