Musique : Les larmes de Krystle-Georges Amoa

En hommage à son père, l'ancienne de l'orchestre national a sorti un album depuis une semaine.
Eugène Dipanda

Un son qui se laisse écouter, des textes mélancoliques, une orchestration amplifiée par des sonorités sauvages de maracasses et de flûtes puisées au plus profond de la forêt équatoriale… Pour un coup d'essai, Krystle-Georges Amoa peut se vanter d'avoir réussi un coup de maître. Avec la sortie officielle, début décembre, de "Mayon Pepa" (je pleure mon père), le tout premier album de sa carrière, la jeune artiste atterrit en effet de plain-pied dans le show-biz. Un milieu avec lequel elle flirtait jusque-là comme interprète, qu'elle décidé ainsi d'embrasser pleinement en devenant auteur-compositeur.
Pour y arriver, il a nécessité près de quinze ans d'apprentissage et d'abnégation. Des années au cours desquelles Krystle-Georges Amoa a abandonné ses cours de comptabilité, pour aller écumer de nombreux cabarets à Yaoundé, où elle pastichait déjà, avec une certaine admiration, les grands noms du monde du jazz. Une réussite précoce, qui s'explique par son passage à l'orchestre national du Cameroun, où la passionnée de jazz a marqué ses premiers pas dans la musique. Ce n'est d'ailleurs pas un hasard, si Krystle-Georges Amoa reçoit le prix de la meilleure interprétation en 1994, au "Festival Jazz sous les manguiers" de Yaoundé.

Après tout cela, "je me sentais déjà assez mûre, assez prête pour sortir mon propre album ", souligne l'artiste, qui est installée en France depuis trois ans. C'est d'ailleurs dans la ville de Toulouse que Krystle-Georges Amoa va asseoir son idée, après y avoir créé un groupe de musique camerounais dénommé "Les dieux sauvages". Son but : "faire connaître au grand public européen la musique de la forêt équatoriale et du peuple Béti, le Bikutsi".
La conception et la réalisation de "Mayon Pepa" ne tarderont donc pas. Inspiré autant de sa triste enfance que des tribulations de la vie quotidienne en Afrique, l'album rend en priorité hommage au papa de Krystle-Georges Amoa, décédé à l'âge de 23 ans, alors que l'artiste n'était qu'un bébé. "Il s'agit d'une dédicace spéciale à mon père, qui fut un chanteur et batteur de grand talent. Je ne l'ai pas connu, mais on m'a dit tellement de bien de lui que j'ai finalement souhaité poursuivre l'œuvre qu'il n'a pas pu achever…", indique-t-elle.

Mixage
Dans le fond, l'artiste "laisse éclater son chagrin, où elle raconte toutes les difficultés rencontrées lors de cette enfance sans père". Dans le rythme, l'influence jazzy est amplement perceptible. Mêlée de sonorités locales, le Bikutsi notamment, l'album débouche sur une parfaite cadence-fusion, un tempo de grande facture et une qualité sonore appréciable, que Krystle-Georges Amoa dit entièrement "mastérisé" dans les studios européens. Douze titres, les uns aussi rythmés que les autres, qui rassemblement autant le jazz, la soul et le blues que le Bikutsi dit originel. Certains titres de "Mayon Pepa", à l'instar de "Zinguiri" constituent d'ailleurs un curieux mélange de l'Assiko, du Soukous et de l'Afro Beat ! Un retour sûr aux racines africaines, une synthèse bien réussie des influences musicales subies par Krystle-Georges Amoa.

"Ce que je fais est totalement différent de ce qui est disponible sur le marché. Ma mélodie attire au même titre que les paroles. En tout cas, les bonnes oreilles sauront apprécier…", Commente-t-elle déjà. De toutes les façons, la qualité des moyens mobilisés pour la réalisation de cet album ne lui présage que du triomphe. On ne reviendra pas sur les 30.000 euros (plus de 19 millions de francs Cfa) qu'il a fallu rassembler pour la naissance de "Mayon Pepa".
La fiche technique de l'album indique par ailleurs une intervention de l'essentiel du gotha musical camerounais basé en France et spécialisé dans le genre folklorique. Comme "l'incontournable" arrangeur-programmateur Omgba Tsoungui (Tebate), Thierry Fouda (maracasses), Jean-Jacques Mengou (batterie acoustique) ou Daniel Simba et Jules Essoua (guitares rythmiques), qui ont su ressortir un tempo dépouillé d'accords superflus. De la pure crème à laquelle Romain Peissel (flûte), Rémi Caussé (claviers) et Maxime Delporte (contrebasse), ont mêlée leur doigté et leur maestria. Au grand contentement de Philippe Murat, co-producteur de l'œuvre avec Krystle-Georges Amoa, son épouse. Un seul conseil : écoutez et dansez…

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