Musique : Vers la fin des instrumentistes au Cameroun ?



L’arrivée et l’essor des nouvelles technologiques supplantent de plus en plus ces musiciens dans les studios d’enregistrement.


 



Il est plus courant de voir à ce jour le nom de l’arrangeur ou du programmateur sur les pochettes d’albums. Le plus en vue de l’heure n’est autre Aubin Sandjo, présenté comme l’un des meilleurs dans ce domaine. Les fiches techniques au dos des pochettes d’album sont bien courtes. On n’y trouve presque plus les noms des instrumentistes. Ceux là qui sont censés accompagnés les artistes musiciens en studio. Une absence de noms qui n’est pas ni un oubli, ni un phénomène de mode. La raison est bien simple. Les instrumentistes interviennent de moins en moins dans l’enregistrement des albums.
Pianistes, guitaristes, solistes, basistes, percussionnistes, etc. n’ont plus la côte auprès des interprètes, chanteurs et propriétaires de studios d’enregistrements au Cameroun. Les nouvelles technologies sont de plus en plus mises à contribution dans le montage et la production de nombreux albums au Cameroun. Reléguant de ce fait les instrumentistes à l’arrière plan. Or ces derniers sont des musiciens qui interprètent ou improvisent selon que le besoin se fait sentir. Ils ont la faculté d’apporter une touche particulière à un titre, ou à l’album tout entier.

Alors comment comprendre que ces musiciens soient progressivement dans les studios d’enregistrements par des machines et consoles informatisées ?
L’une des premières raisons évoquée n’est autre que les prix élevés auxquels les artistes doivent faire face lorsqu’ils font appel à un instrumentiste. «Il faut débourser à partir de 10. 000 Fcfa voir plus, et ce par instrumentiste et par titre joué en studio», indique Calvin Young, percussionniste et batteur. Le recours à la Musique assistée par ordinateur (Mao) réduit donc considérablement ces coûts exorbitants pratiqués en studio. Cette méthode limite également les heures de travail. Selon les spécialistes du métier, toutes les programmations peuvent être faites avec un ordinateur. Peu importe alors le rythme que l’on voudrait avoir, il suffit d’un clic sur le clavier.
Ce qui est un gain de temps énorme. Surtout lorsqu’on sait que le temps en studio vaut de l’or. «Sur les claviers utilisés par les programmateurs en studio, vous avez toutes les mélodies, les lignes des instruments à vent (saxo, flûte, maracas, percussions, etc. C’est pour dire que si l’artiste souhaite entendre du saxophone dans l’un de ses titres, nul besoin de chercher un saxophoniste. Car il peut avoir cette sonorité rien qu’à partir de sa machine», confie Bill Muicha.

Disparition
Pourtant, le risque de voir la musique devenir une machination est bien réel. Ce d’autant plus inquiétant que les chansons ainsi exécutées «perdent leur côté chaleureux. Car l’apport de tout instrumentiste, arrangeur, mixeur, met en évidence le côté altruiste de la musique», précise Calvin Young. Visiblement, de nombreux artistes musiciens font fie de ce risque, au regard du nombre impressionnants d’album produit sur programmation.
A en croire Bill Muicha artiste musicien et par ailleurs programmateur, seuls 30% des albums produits en ce moment connaissent la participation des instrumentistes. Les 70% restant se font par programmation. «De nombreux artistes musiciens préfèrent utiliser la programmation, où tout est fait sur une machine. Ils produisent une musique assistée par ordinateur et non une belle musique», précise l’artiste musicien. Et selon Calvin Young, 99% des albums hip pop sont joués avec des machines.

Seules nos musiques folkloriques utilisent encore véritablement les instrumentistes, surtout les percussionnistes. Selon Laurent Didi Ireke artiste musicien folklorique, «les musiciens qui nous accompagnent en studio sont l’âme d’un album». Et de poursuivre, «avoir la participation d’un, de deux ou de trois de ces musiciens dans son album à quelque chose de magique parce que chacune de ces personnes va apporter sa touche et à la fin, le consommateur a un produit de qualité». Et sur la question artistes et instrumentistes sont unanimes : les productions musicales dans lesquelles les instrumentistes interviennent sont de bien meilleure qualité que celles assistées par ordinateur.

Fête de la musique
Fort heureusement la musique assistée par ordinateur n’est pas encore la chose la mieux partagée au sein de la communauté des artistes musiciens ou des chanteurs. Bien qu’ils soient à ce jour une minorité, il y’a tout de même de ceux qui sont de la vieille école. Dans son dernier album, intitulé «Epassi N’epassi», l’artiste musicien Julius Essoka a vu grand.
Afin de mettre en relief cette belle galette musicale, il a fait intervenir Leni Stern, une guitariste américaine sur le titre «Na poi». Une instrumentiste qui a d’ailleurs réussi à apporter sa touche à ce produit. Heureusement, on retrouve encore des artistes comme Prince Ndedi Eyango, Nkotti François, Ottou Marcellin, Richard Bona, Henri Dikongué, Ben Decca qui font intervenir des instrumentistes dans l’enregistrement de leurs albums en studio.

Le 21 juin dernier, le Cameroun en communion avec le monde entier a célébré la 30ème journée de la musique. Une célébration placée sous le thème, «L’influence des nouvelles technologies sur le développement de la musique». Un thème qui pose le débat sur le devenir de la musique camerounaise, face aux influences des technologies de l’heure. Selon Robert Bendégué le Délégué régional de la Culture pour le Littoral, ces technologies ont deux revers négatifs. «Elles sont à l’origine des grandes contrefaçons qui tuent l’art, en l’occurrence la piraterie. Aussi, celui qui fait un bon produit n’est pas forcément bon sur scène, en ce sens qu’il est entré en studio avec les nouvelles technologies».

Marthe Ndiang (Stagiaire)

 


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