Ce n’est pas tous les jours qu’une princesse se livre à la musique. En public en tout cas. Et surtout quand il est question d’une princesse peuhle du Nord Cameroun où beaucoup de familles continuent de croire que jouer la musique et en faire une profession n’est pas à l’ordre du jour de la jeune fille qui doit penser avant tout à se marier et à fonder une famille plutôt que de se livrer à ce que beaucoup considère là-bas comme étant une activité «déviante».
Le premier mérite de la jeune Khadizah Oumar –elle est née en 1994- est sans doute là. Avec «Dounya Sey Mougnal», un album de dix titres, elle vient de franchir en quelque sorte le rubicond de l’interdit. Donnant corps à un rêve et une passion qui l’anime depuis ses cinq ans et ce fameux jour où son paternel lui offrit un jouet qui avait la forme d’un piano. Prenant sans doute ce geste paternel pour un signe du destin, elle s’est mise corps et âme à la musique, fredonnant des airs de son berceau natal, écoutant la musique dite profane pour finir par composer la sienne. Qu’elle a mis à la disposition des mélomanes depuis quelques jours.
Un album qui constitue pour elle le moyen de dire à ceux qui lui consacreront leurs oreilles que «dans la vie, il faut être patient, tout s’acquiert au bout de la peine», la traduction du titre phare de l’album qui est en même temps celui de l’opus. Et pour le dire, elle recourt à plusieurs rythmes. Avec plus ou moins de réussite. Car à l’écouter, l’on est envahi par une sorte d’apaisement sans doute lié à sa voix qui pour une première se fond parfaitement sur les notes d’instruments de son environnement de croissance ou de ceux qu’elle a croisés en grandissant. Une voix qui met un point d’honneur à articuler toutes les syllabes à un rythme qui tranche d’avec son âge.
A 16 ans en effet, on est plus porté sur la saccade du fait de l’adolescence qui frappe à la porte de la croissance. Mais avec Khadizah, foin de cela. Sauf peut-être pour ce qui est des rythmes. Ici, elle fait une intrusion dans la variété où le reggae et les rythmes du sahel participent à donner toute la mesure de son chant. Un chant qui se veut surtout moralisateur. En direction de ceux qui continuent de tuer le génie musical chez les filles, elle leur sert une troisième plage pour les appeler à plus de respect pour les choix artistiques d’une jeunesse qui n’en n’a plus malheureusement beaucoup. Au passage, elle distille à cette même jeunesse le conseil de la persévérance et de l’endurance devant les épreuves de la vie.
Une vie qui est loin d’être tranquille avec le sida et le paludisme qui rôdent telles des prédateurs insatiables et redoutables. Elle consacre deux titres à ces problématiques actuelles pour sensibiliser les uns et les autres sur deux fléaux de notre temps qui vont en s’aggravant. Deux titres qui lui ont permis dans un passé récent de remporter des concours nationaux organisés par des organismes spécialisés. Et qui lui ont permis de faire face à son premier public. Avant une escapade artistique en Guinée Equatoriale d’où elle est revenue avec un titre de remerciements.
Mais un titre qui comme les trois derniers qui composent l’album souffrent des arrangements. Car à bien écouter Dounya Sey Mougnal, on a comme l’impression que les six premiers titres ont connu un labeur certain qui tranche avec le reste. Ou encore cette voix parfois trop enfantine. Qu’importe ! A 16 ans, cette princesse qui fréquente le collège Montesquieu à Yaoundé et attend impatiemment les résultats du Probatoire a ouvert un sillon appelé à se creuser au fil de sa croissance. Surtout que son père, cadre d’administration y veille.
Parfait Tabapsi