«Au cœur d’un pays sans tête». La seule lecture du sous-titre de l’œuvre laisse deviner son contenu. Surtout que, dans «L’Antécode Biya», Bertrand Teyou prétend faire des «révélations explosives sur les massacres du 12 novembre 2007 à Bakassi». Un livre qui, selon l’auteur, est d’ailleurs dédié «à tous les morts évitables qui ont jalonné l’histoire de notre pays, à toutes ces vies fauchées par la folie des hommes…». Une précision tout de même dès l’entame : «L’Antécode Biya», se refuse d’être un acharnement contre quiconque. Plutôt, le livre est, selon son concepteur, «la mise en évidence des échecs d’un système» ayant à sa tête le président Paul Biya du Cameroun. Inspiré du mot antéchrist (ennemie du Christ), «L’Antécode Biya» est donc une sorte d’opposition farouche à tout ce que le journaliste français François Mattei a récemment peint dans son très médiatisé «Code Biya», paru courant mai 2009 chez Balland. Pour Bertrand Teyou, en effet, «chaque mot, chaque virgule ou chaque maladresse de [son] ouvrage, est une revendication légitime pour le respect de l’impératif de justice…».
Bertrand Teyou aiguise la curiosité sur un fait, qui est loin d’être banal. L’auteur de «L’Antécode Biya» se demande comment, depuis les montagnes du Maroc, François Mattei est parvenu à «transcender» la distance et «disséquer» le mystère de Paul Biya, qu’il prétend par ailleurs n’avoir jamais rencontré ! Selon l’ancien directeur de la rédaction de France-soir, en effet, le «Code Biya» est un «roman vrai de la vie, qui n’a d’autre ambition que de révéler quelques secrets de l’atypique destinée de cet homme hors du commun [Paul Biya, Ndlr], qui aideront à décoder sa personnalité». Ce qui achève de convaincre Bertrand Teyou que «le Cameroun est une galaxie particulière de la voie lactée, qui échappe au foyer solaire et est guidé par le secret, parce qu’on y vit le drame le plus inédit…». L’auteur de «L’Antécode Biya» ne semble ainsi se faire aucun doute : le Cameroun de Paul Biya, selon lui, est «à l’ère du totalitarisme moderne».
Il en veut pour preuve, entre autres, le fait que «le fichier démocratique est corrompu pour ne pas mettre en évidence les drames de la population» ; que des soldats camerounais s’entretuent au front à Bakassi au vu et au su de tous les hauts gradés, dont évidemment le «chef supérieur des armées», pour de sordides histoires de règlement de compte ou de gestion des budgets ; que «le principe de l’appauvrissement comme modèle est stratégique» ; que le Code de procédure pénal renouvelé, qui était annoncé comme une révolution, fut, en réalité, «une formalité politique». «En prenant le train en marche, Paul Biya n’a ni l’intelligence de comprendre, ni l’humilité suffisante de débattre ; il a certainement peur de perdre le privilège du pouvoir, l’atout précieux des prédateurs politiques», écrit Bertrand Teyou.
Le mythe vole manifestement en éclat. Cette «saga du fils de catéchiste, oint de Dieu, écolier modèle et discret chez les bons pères alsaciens, lycéen hors pair, brillant étudiant à Paris, dévoué serviteur de l’Etat, choisi pour assumer un pouvoir «qu’il n’avait jamais demandé», fidèle à ses promesses électorales, épris de paix, prompt au pardon, un composé de Napoléon, de Churchill, de Talleyrand et César…», développée dans «Le Code Biya», et qui est loin, très loin même, d’avoir convaincu un Bertrand Teyou, persuadé plutôt que «le régime Biya est assurément un renouveau nazi anti-structural» ; et sûr de ce que «le président camerounais baigne dans l’indélicatesse. Il dépense l’argent public sans rendre compte et se proclame grand maître de réalisations grotesques».
Le concepteur de «L’Antécode Biya» énumère par ailleurs, pour les décrier, quelques «parades mesquines» du régime Biya et de ses fervents défenseurs. La fameuse opération dite Epervier en premier, où, selon lui, Biya s’est octroyé le privilège de roi «en trichant avec les principes initiatiques». Le reniement de l’intelligentsia, ensuite. Notamment avec cette valse de sorties publiques des personnalités diverses, qui viennent en renfort aux balivernes supposées de François Mattei, en tentant d’embarquer tout un peuple. A en croire Bertrand Teyou en effet, «la démarche de Mattei est une contribution généreuse. Mais le morceau de pain de l’humanitaire contribue à entretenir les conséquences du mal, donc le mal lui-même». Il poursuit que «Le Code Biya veut faire connaître un homme politique singulier. L’ouvrage lutte contre l’ignorance.
Tout au long, on établira les ingrédients de faillite : mythes, secrets, énigmes, mystères, tout ce qui obstrue le débat, la démocratie…».
«L’Antécode Biya» n’hésite pas à puiser dans certains articles de journaux locaux, pour mieux éclairer les lanternes sur ce que son auteur appelle «l’héritage chaotique» de Biya à ses compatriotes. Même si, loin, Bertrand Teyou croit ferme qu’il existe quelques «leviers de l’espoir». Dans une sorte d’annonce de fin de règne, il estime en effet que «l’image du Cameroun, consumée par le régime Biya, se redessine avec sérénité». «Nous nous retrouvons dans un champs en friche, où tout est à reconstruire», conclut-il. Une façon à lui, peut-on lire entre les lignes, de tracer déjà «les chemins de l’alternance»…
Eugène Dipanda
mboasawa
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