
Le patron des lieux s'appelle Isaac Sapouma. Il explique que son école est née d'un constat : celui de l'absence criarde d'école de musique ou de conservatoire au Cameroun, alors que les talents courent les rues. En dehors du Sap's Music Academy, plusieurs autres institut privés de formation en musique, une dizaine, existent ainsi dans la ville de Yaoundé, où on peut prendre des cours selon différents programmes.. Mais, seulement quatre à peine offrent des conditions acceptables pour une véritable formation. C'est le cas, outre de Sap's Music Academy, de l'Académie musicale Eutherpe, située à Mvog Mbi. Créée en 1998 sous le nom Merlina Music, elle a été rebaptisée depuis 2001.
Toutes ces écoles s'inscrivent dans la pluridisciplinarité musicale. C'est ainsi que chez Sap's Music Academy, on peut apprendre le chant, le piano, la guitare, la flutte, tout comme une formation pour chefs d'orchestre et chefs de chœur est offerte. "Chez nous, explique Isaac Sapouma, le piano est un peu l'instrument orchestre. Nous nous sommes un peu spécialisés dans cet instrument et c'est le plus demandé d'ailleurs. Pour le chant, nous avons des gens qui viennent ici apprendre le chant lyrique, la vocalise classique, les techniques respiratoires, etc.".
Les élèves de ces écoles sont d'âge varié. Toutefois, au Sap's Music Academy, sur la quarantaine de pensionnaires, au moins trente sont des enfants. Isaac Sapouma affirme néanmoins avec joie avoir un élève qui a commencé ses cours l'année dernière à l'age de 64 ans.
L'enseignement commence par des cours théoriques, qui consistent pour les élèves à apprendre le solfège, l'histoire de la musique, les genres, l'harmonie et la stylistique pour ceux qui sont déjà suffisamment avancés.
Coût
Puis, vient la phase pratique, la plus importante, qui consiste pour chaque élève à s'exercer sur son instrument de prédilection, sous l'encadrement d'un moniteur. "Nous mettons un accent particulier sur la théorie avant tout, soutient Isaac Sapouma. Etre capable de lire des notes est fondamental et je pense d'ailleurs que c'est cela le drame des artistes camerounais, qui jouent à l'oreille. La phase pratique nous permet par la suite, en ce qui concerne le piano par exemple, à exercer les doigts des élèves afin qu'ils puissent jouer aisément. La technique que nous utilisons est fonction du tempérament de l'élève."
La formation musicale dans ces écoles n'a pas une durée précise. Chaque apprenant juge son niveau et décide de continuer ou non. Pour Jean Baptiste Djounang de l'Académie musicale Eutherpe, la musique est un art, et donc une question de prédispositions. "Il y a des gens qui arrivent au niveau zéro et, en 6 mois de formation, ont un talent incroyable alors que d'autres doivent attendre trois, quatre ou cinq ans pour avoir le même niveau", dit-il.
S'agissant des coûts de formation, ils varient d'une école à une autre. A l'académie Eutherpe par exemple, pour un cours du soir en piano, il faut débourser 35.000 Fcfa par mois si on est un adulte, et 25.000 Fcfa si on est un élève. Pour un cours de piano et de solfège, il faut payer 40 et 30.000 Fcfa par mois. Au Sap's Music Academy, le promoteur reste, lui, peu disert sur les prix qu'il pratique. Isaac Sapouma se contente de dire qu'ils sont à la portée du Camerounais moyen.
"Il faut voir un peu l'investissement qui est le nôtre. Dans cette école je n'ai que des pianos acoustiques. Un seul de ces pianos en occasion coûte 2 millions de francs Cfa. J'aurais bien pu utiliser des pianos électriques, mais j'ai choisi de n'utiliser que du matériel adéquat, celui qu'on utilise même dans les conservatoires en Europe. Les gens peuvent croire que les coûts sont élevés, mais à bien y regarder c'est à la portée de tous ceux qui veulent vraiment se former", soutient-il. Dans d'autres écoles de la ville de Yaoundé, le coût de la formations se fixe à l'heure, soit 10 ou 20.000 Fcfa.
Les promoteurs de ces différentes écoles de musique se disent par ailleurs abandonnés par le ministère de la Culture. Ce d'autant que, soutiennent-ils, ils essaient de palier le manque de structures de formation en musique dont la création relève des missions des pouvoirs publics. Isaac Sapouma affirme avoir déposé un dossier au ministère de la Culture et attend un soutien qui pourrait l'aider à résoudre les problèmes logistiques auxquels il est confronté et surtout à mettre sur pied la section de formation aux instruments à vent et, pourquoi pas, agrandir son école pour accueillir encore plus d'élèves. "Il faut que les gens sachent que la musique s'apprend et que des écoles comme la nôtre méritent d'être soutenues", implore-t-il. Un avis que partage son confrère Jean Baptiste Djounang de l'Académie musicale Eutherpe, même si ce dernier reconnaît qu'il y a des virtuoses qui n'ont pas eu besoin d'aller dans une école.