Renc’Art : La différence

A en croire certaines sources, la deuxième édition du Festival international des musiques sahéliennes du Cameroun (Festi Musa), organisé du 27 au 30 juin dernier à Ngaoundéré, a connu un franc succès.
Claude-Bernard Kingue

Des artistes, vedettes et groupes musicaux sont venus aussi bien du grand Nord que d'autres pays africains. Du Cameroun par exemple, il y a eu "15 têtes d'affiche". Le public est venu nombreux, et chaque concert a attiré une importante colonne de Soudanais vivant au Cameroun, heureux, transportés par les spectacles. Adala Gildo, le principal promoteur du festival, a donc de quoi être fier de son initiative. Surtout qu'il la mène avec des moyens du bord, pour dire le moins.
Face à ce succès, affleurent, quelques questions, hélas ! Pourquoi, par exemple, ces rythmes sahéliens végètent-ils chez nous ? Pourquoi le font-ils dans leur propre terroir ? Pourquoi leurs porte-étendards, pour la plupart, ont-ils dû " émigrer " au sud ou hors du pays pour continuer à " exister " du point de vue artistique ? …

Ailleurs, pourtant, tout autre est ce que l'on observe. Là-bas, ces musiques ne sont pas seulement les emblèmes de leur terroir. Celui-ci est un marché porteur pour elles, et leurs vedettes en vivent. Installées là. Sur place. Il n'est d'ailleurs pas rare que celles qui se sont fait un nom à l'étranger reviennent au pays. Non pas seulement pour se ressourcer, mais pour s'y enraciner. Et le mettre ainsi au centre de leur auréole, n'est-ce pas Salif Keita ?
De chez nous à là-bas, il y a certes loin. Et c'est sans doute cela qui fait la différence. Il y a, en effet, une vision des choses, un environnement et une promotion de distance. Au Mali, au Sénégal et autres pays ouest-africains, la " vision des choses " qui prévaut a sorti la musique du terroir de " l'enclos ", des seules prestations du griot. Elle est devenue une affaire aussi sérieuse que le coton. C'est-à-dire une " culture " qu'on vend, dont on attend un gain divers et qu'on couve, pour cela, d'attention. On peut douter qu'on soit près de cela à Garoua, Kousseri, Maroua. Un participant au récent festival de Ngaoundéré raconte par exemple qu'une personnalité dont il a sollicité l'aide à Garoua, pour sortir son album, lui a recommandé d'avoir " une activité plus sérieuse ". De se reconvertir notamment à l'agriculture…

Il est pourtant tout aussi marqué par la piraterie là-bas qu'ici, l'environnement. Mais là-bas, la musique du terroir est si bien consommée qu'elle tient la dragée haute aux réseaux mafieux. " Piratez, piratez, il en restera toujours !", semble-t-elle les défier. Et même faire le dos rond aux rythmes déferlant d'ailleurs.
Bien plus, il y a la qualité de la promotion des œuvres. Sa force. Elles sont en effet telles que, piratées ou non, on retrouve, chez certains d'entre nous à Yaoundé, Douala et Bafoussam, plus d'œuvres d'Oumou Sangaré, Habib Koita que celles de Kawtal. Pis, beaucoup de personnes qui écoutent souvent ces rythmes sahéliens ne savent même pas qu'on en produit aussi à Maroua, Ngaoundéré et ailleurs dans le Grand Nord. Ils les croient venir tous de Sikasso, Pô, Agadès, etc.
Certes, la plupart des rythmes de ce genre que diffusent les grandes radios internationales viennent de l'Afrique de l'Ouest. Mais est-ce bien leur faute si la Crtv nôtre, depuis toujours, ne diffuse les œuvres d'Amina Pulloh, Kadhiza Oumar, Hawa Maryvonne, Aladji Hayatou Ibal et autres Garraya qu'à l'occasion de la fête du mouton ou du Ramadan ? C'est-à-dire une ou deux heures, deux fois par an. Sur les autres chaînes, d'ailleurs, elles n'ont pas un meilleur traitement. Hélas !

mboasawa

3713 Blog des postes

commentaires