Paul Biya enterre la décentralisation

Hier, 17 janvier, le président de la république a pris deux décrets créant le Conseil national de la décentralisation et du comité interministériel des services locaux.

Un décret portant organisation et fonctionnement du Conseil national de la décentralisation et du Comité international des services locaux. Mais pourquoi faire ? La question, si elle peut paraître bête ne vaut pas moins la peine d’être posée.
Voilà 12 ans, que la Loi n° 96/06 du 18 janvier 1996 portant révision de la Constitution du 2 juin 1972 a été promulguée avec une bonne place à la décentralisation. Depuis lors, le peuple attend le fonctionnement effectif des collectivités territoriales décentralisées (Ctd). Douze ans après cette Loi fondamentale, le locataire d’Etoudi, se remémore le bon souvenir de la Loi sur la décentralisation. Hier, 17 janvier 2008, il a pris deux décrets portant organisation et fonctionnement du Conseil national de la décentralisation et du Comité interministériel des services locaux. Ces instances s’inscrivent-elles dans la logique des articulations prévues dans le projet de loi (lire Le Messager du 5 février 1996) ?
En effet, si l’on considère que plus de 10 ans après la révision de la Constitution du 2 juin 1972, la décentralisation n’est toujours pas effective au Cameroun bien que des éléments y relatifs sont eux, déjà couchés sur du papier. On aurait attendu du chef de l’Etat qu’il donnât un sacré coup d’accélérateur au fonctionnement effectif des collectivités territoriales décentralisées. En actionnant directement leur fonctionnement, sans passer par la gestion des conseils et comité.
Dans son article 55 consacré aux collectivités territoriales décentralisées, alinéa 2 : “ Les Collectivités territoriales décentralisées sont des personnes morales de droit public. Elles jouissent de l’autonomie administrative et financière pour la gestion des intérêts régionaux et locaux. Elles s’administrent librement par des conseils élus et dans les conditions fixées par la loi… ”. C’est dire si Paul Biya avait bien des cartes entre les mains et qu’il n’était pas tenu de créer des instances qui risquent de retarder, une fois de plus, la réalité de la décentralisation au Cameroun.

Fuite en avant
Le président de la République du Cameroun n’est malheureusement pas à sa première fuite en avant. Ailleurs, un sujet aussi important aurait été l’occasion d’un grand débat visant à susciter la participation des populations. La création des régions devant favoriser une implication plus importante de ces mêmes populations à la définition et la gestion de leurs propres intérêts. Et surtout, on aurait tout mis en œuvre pour aller plus vite dans l’effectivité de cette décentralisation, compte tenu de l’enjeu démocratique que revêt sa réalité.
Au Cameroun, on traîne les pieds, par la création des corps intermédiaires qui vont inévitablement ralentir la mise en place des structures et donc retarder le calendrier prévisionnel. Mais c’est vrai que le même Paul Biya nous a tant habitués à ne rien programmer, à prendre le contre-pied de tout ce qui peut avoir valeur de projection et de perspectives.
Cette nouvelle fuite en avant, au moment où les Camerounais sont plus que jamais mobilisés sur la question de la révision ou pas de la Constitution du 18 janvier 1996, vient souligner de manière patente à quel point l’exécutif est en désaccord avec le peuple. Celui-ci demande davantage à être associé à la prise des décisions des affaires de la nation, à tous les niveaux. Décidément, le président camerounais se moquait éperdument de ceux qui l’ont porté au pouvoir. Comme s’il se moquait de son peuple ! Il est à parier sur le temps que le Conseil et le comité prendront pour s’installer avant de se mettre à travailler…
Le simple fait qu’il ait fallu à Paul Biya 12 ans, après le Loi du 18 janvier 1996 portant révision de la Constitution du 2 juin 1972, pour pondre un Décret qui créé des instances qui organisent le fonctionnement des collectivités territoriales décentralisées, en dit long sur sa conception de la démocratie.
 

Par Jean-Célestin EDJANGUE


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