Que peut la Kribi Power Development Company ?

Solution à la crise énergétique

La structure est accusée d’être un gouffre à sous et un fardeau supplémentaire dans un pays pauvre très endetté.

Aussitôt mise en route, la Kribi Power Development Compagny (Kpdc) dont les responsables ont été installés la semaine dernière par le ministre de l’Energie et de l’Eau, essuie déjà les critiques les plus farouches de certains experts du domaine de l’électricité. Deux questions sont au cœur de ce débat que des citoyens souhaitent ouvrir : la Kpdc est-elle une bonne solution pour éviter la crise énergétique que le Cameroun traverser depuis plusieurs années ? Peut-elle permettre d’améliorer le service et d’avoir l’énergie électrique à des prix démocratiques ? A ces interrogations, la Consulting Engineering Entreprise, un cabinet spécialisé en étude et analyse des grands réseaux électriques ayant commis une étude sur la gestion économique du secteur électrique au Cameroun répond par la négative.
René Monneyang Meka, ingénieur électricien et directeur général du cabinet, estime que “ la Kpdc n’est pas une réponse pertinente au problème du déficit énergétique. ” Le premier argument qui soutient sa thèse c’est que le problème crucial de la chaîne de l’électricité au Cameroun se pose au niveau du transport alors que la Kpdc agit plutôt au niveau de la production. Le deuxième argument tient au fait que le coût d’exploitation des centrales thermiques, outils essentiels de production de la Kpdc, sont si élevés qu’une politique énergétique basée sur ce modèle rendrait les tarifs à la consommation insoutenables.

Le transport d’abord !
La Kpdc dispose comme outil de production des centrales thermiques. Pour René M. Meka, “ il s’agit d’outils d’appoint qui ne sauraient être une solution au déficit énergétique puisque le transport tient une part importante dans la structure des coûts. Tant que ce volet n’est pas amélioré, aucune solution ne saurait être viable dans la durée. ” Selon les études de la CEE, le transport vaut en effet 29 Fcfa sur les 70 Fcfa du tarif moyen du kilowatt d’électricité. Sur ces 29 Fcfa, 17 Fcfa sont consacrés à l’exploitation et à l’entretien des lignes et postes de transport. Les 12 Fcfa restants servent à améliorer le réseau de transport.
De façon cumulée, depuis 2004, la CEE estime que Aes-Sonel a déjà prélevé au moins 120 milliards de Fcfa au titre de l’entretien du réseau de transport. Ce réseau, normalement, fait des pertes de puissance lors du transport de l’énergie (effet Joule). Mais ces pertes ne doivent pas dépasser 10% de la puissance transportée. Les 12 Fcfa devraient alors prioritairement servir à maintenir ces pertes à 10% ou en dessous. Or René M. Meka situe les pertes de puissance subies sur le réseau de transport au Cameroun à environ 36% ! C’est pourquoi il estime que l’action d’amélioration de l’offre d’électricité devrait d’abord porter sur la réduction de ces pertes.
Quand les pertes ne sont pas très élevées, expliquent les spécialistes de la CEE, on essaie de les réduire par compensation réactive. Lorsqu’elles sont importantes comme cela semble être le cas actuellement, on les réduit par un renforcement du réseau. Au Cameroun, il y a saturation du transit de puissance sur les lignes. Le niveau de cette saturation est de 270,8 Mégawatts. D’où la nécessité d’améliorer prioritairement la capacité du réseau, selon la CEE, au lieu de se focaliser d’abord sur la construction de centrales thermiques. Pour René Meka, si les 120 milliards collectés au titre de pertes de puissance avaient été utilisés pour améliorer le transport, non seulement une production équivalente à celle de 2004 (2.500 Gigawatts) devait satisfaire une demande équivalente à celle de 2009, mais aussi le tarif moyen du kilowatt pourrait baisser jusqu’à 55,33 Fcfa.

Des coûts difficiles à soutenir
Les contraintes financières sont l’une des raisons pour lesquelles le cabinet Consulting Engeneering Entreprise récuse la création de la Kpdc comme une solution efficace aux problèmes énergétiques du cameroun. Dans presque tous les pays du monde, affirment les spécialistes de la CEE, les centrales thermiques d’appoint n’ont qu’un rôle palliatif en période de pointe. Cette période se situe entre 18h30 et 23h30 ; donc elles ne fonctionnent en principe que pendant cinq heures de temps par jour. Si ces centrales devaient tourner 24h/24, les coûts seraient tellement élevés que cela créerait un déficit d’exploitation.
Les études de la CEE révèlent que la Kpdc devra produire l’énergie à 111,27 Fcfa le kW. Aes-Sonel l’achètera alors autour de ce prix pour le revendre au consommateur final à 70 Fcfa si on s’en tient au tarif moyen actuel. Une équation économiquement impossible. Dans sa prospective, la CEE pense que Aes-Sonel fera pression sur le gouvernement pour augmenter les tarifs. Là, la CEE n’hésite pas à présenter la Kpdc comme une société écran destinée à siphonner les ressources de Aes-Sonel pour créer un trou que les citoyens devront automatiquement combler.
Si on ne s’en tient qu’à l’analyse de la CEE, le gouvernement camerounais aurait choisi la plus coûteuse entre plusieurs solutions économiques (renforcement du réseau de transport, construction de barrages, construction de centrales thermiques). Cette solution est-elle vraiment la plus coûteuse ? Quels sont les indicateurs pertinents qui ont poussé à son choix plutôt qu’à d’autres ?
 

Par Marlyse SIBATCHEU

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