Musique : Guy d’X, l’intellectuel engagé

Le premier album du rappeur s’ouvre aux influences jazzie, raggae et folklore pour dénoncer les gouvernants.
Marion Obam

Après avoir cheminé pendant neuf ans avec le groupe S-team avec lequel il a connu le succès avec l’album "Le petit bantou", Guy Bockally alias Guy d’X a tourné la page. Il a embrassé une carrière solo et la sortie de son premier album "Prenons conscience" est effective depuis seulement quelques jours. Cette livraison permet de découvrir un Guy d’X mature et conscient des problèmes de son pays, et qui, au lieu de baisser les bras, a pris le micro pour les dénoncer. L’artiste propose également des solutions à ces fléaux qu’il projette sur une sorte d’écran géant, à l’instar de l’immigration clandestine, de la corruption, de la pauvreté, du chômage, de la colonisation, etc. Ses thèmes qui ne sont pas toujours développés dans la pure tradition rap underground. Guy d’X a, en effet, dépassé les frontières parfois rigides de ce registre. Il a ouvert son travail à d’autres influences, dans une harmonie assez surprenante. Quand on écoute cet album, on redécouvre qu’on peut encore apprécier le rap, lorsque la réflexion pour la création a été bien menée.

On entre dans "Prenons conscience", un opus de onze titres, par une intro. Le premier titre "Bekwadi ba mundi", est une peinture des difficultés qui sont transversales comme l’église qui bascule, le racisme et le tribalisme qui sont érigés en critères de sélection… Le beat est lent mais le flow est puissant. Les lyrics, qui sont d’ailleurs reproduits sur la pochette de l’album, présentent une écriture violente et précise, un niveau de langue soutenue. Les thèmes abordés par Guy d’X dans les titres comme "La pollution" où il fustige "les agissements qui détruisent le bois à cadence suicidaire, le sol s’appauvrit et s’altère", "Pago" avec l’immigration clandestine, "La chèvre broute" où il interpelle les communes, les impôts, les sociétés des droits d’auteurs en leur rappelant "qu’à force de s’empiffrer sur le dos des Camerounais, la chèvre va finir par s’étrangler" démontrent à souhait l’engagement de l’artiste.

Pour éviter de se faire censurer Guy d’X a personnellement produit son album. Dans "Prenons conscience", qui, à la base, est une galette de rap, on trouve beaucoup de chant et des expériences de fusion qui sont plutôt réussies. Notamment avec le titre "Bleu blanc noir" où les voix sont soutenues par des claquements de doigts, qui donnent le rythme et deviennent une orchestration harmonieuse pour décrier le rôle "du Bleu dans les conflits du Rwanda et du Burundi…"
L’album est aussi riche du fait de nombreux featuring, six au total, où la rencontre avec un artiste venu d’ailleurs épaissie le rendu des titres. Dans "Numéro un" avec Hugo Nyamé, Guy d’X incruste son Slam sur la nappe de l’esséwè raggae livré par celui avec qui il avait déjà réalisé le tube "Afro rap". Le style jazzie de Dzia, Nicole Obélé, relève le titre "Il ne faut plus que je chôme", tout comme le jeu de voix mature de Sydney dans "Bleu blanc noir". Dans "Connectando", Guy d’X s’unit à Pizko Mc et Ortega Dogo du label Lak-bine, dans un rap latino pour demander aux "frères" de la diaspora de revenir souvent se ressourcer dans leur pays. Un opus qui a vu la participation de Joly Mandengué, Macdo et Muntu Valdo aux guitares et arrangements ; avec Quamey aux percussions, Dj Réne au scratch, au mixage et au master.

Repères
Album : Prenons conscience
Auteur-compositeur : Guy d’X
Date de sortie : 10 septembre 2007
Producteur : Guy d’X
Nombres de titres : 11
A écouter : Faut plus que je chôme, La chèvre broute, Si seulement, Pago, Bleu blanc noir, Numéro un

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