Les gouvernements camerounais et français soutiennent qu'aucune rançon n'a été payée pour leur libération.
Léger Ntiga et Marion Obam
La nouvelle de la libération des otages de la société Total a été annoncée hier, mardi 11 novembre 2008 autour de 18h par le ministre français des Affaires étrangères, Bernard Kouchner. Mais de nombreux signes indiquaient, dans la capitale camerounaise, que les négociations tenues secrètes avaient abouti. L'un de ces signes aura été la convocation quasi militaire des principaux responsables des médias d'Etat, accompagnés de leurs reporters de circonstance, au palais de l'Unité en fin d'après midi, dans une méthode qui laissait penser à une allocution du chef de l'Etat. Sitôt arrivés sur place, ils auraient alors constaté que le dispositif était celui d'une réception à la faveur d'un événement important.
De fait, les dix otages dont six français, un franco-sénégalais, un tunisien et deux Camerounais ont tous été reçus par le chef de l'Etat, Paul Biya au cours la nuit d'hier.Au cours de l’allocution qu’il a prononcée, le chef de l’Etat a salué la confiance et le soutien des responsables des pays d’origine des autres otages, à savoir, la France, le Sénégal et la Tunisie. Paul Biya a par ailleurs indiqué que des mesures appropriées seraient prises pour renforcer la sécurité, avec le concours des pays qui partagent la fontière maritime commune avec le Cameroun. Probablement pas l'épilogue de cette prise d'otage dont le général Basuo, chef du Conseil de sécurité et défense du Delta du Niger (Csddn) indiquait dans l'édition de mardi 11 novembre du journal français Ouest-France que les otages pourraient "être libres ce soir". En fait, un chef de mission d'un pays occidental à Yaoundé, généralement bien informé, confiait à des hôtes au cours d'un dîner dimanche que les négociations avaient abouti et que les otages seraient probablement libérés dès lundi après midi, sans donner d'autres commentaires.
BourbonCet épisode vient mettre un terme à douze jours de captivité, de négociations, d'appréhensions pour les gouvernements français et camerounais. Mais aussi des familles. "Je remercie le président Biya pour l'implication de son pays le Cameroun dans cet heureux dénouement. C'est un moment de grand soulagement pour tout le monde et surtout les familles dont on mesure aisément la dure épreuve", a indiqué devant les médias français hier soir, le chef de l'Etat français, Nicolas Sarkozy. De son côté, le ministre français des Affaires étrangères, Bernard Kouchner, après avoir dit son soulagement, a précisé qu'aucune rançon n'avait été payée ni par l'Etat français, ni par les groupes pétrolier et maritime. "La France n'a rien payé pour cette libération", a martelé le chef de la diplomatie française.
Du côté des groupes Bourbon et Total, les responsables ne le soutiennent pas moins: "Nous n'avons rien payé. Il n'en a pas été question". Même son de cloche au Cameroun où une source gouvernementale reconnaît que le président de la République a dépêché en fin de semaine dernière, des émissaires à Bakassi pour négocier ce dénouement. "Il ne s'agissait pour autant pas d'aller payer quelque rançon". Difficile donc de savoir pour l'instant si les parties camerounaise et française ont déboursé de l'argent contre la libération des otages ou pas. Même si un membre des forces spécialisées camerounaises croit savoir que dans ce genre d'opération, "on paie toujours une contrepartie". Sur la nouvelle de l'attaque des armées camerounaise puis nigériane entretenue la semaine dernière les ravisseurs des Bakassi Freedom Fighters (Bff), Bourbon et Total affirment qu'il "s'agissait d'un montage visant à faire monter la pression sur les gouvernement français et camerounais."
Enlevés dans la nuit du 30 au 31 octobre 2008, au large Bakassi alors qu'ils se trouvaient sur à bord du Sagitta Bourbon, un bâtiment du groupe Bourbon affrété par le pétrolier Total, les dix captifs qui auraient séjourné depuis lors dans la mangrove parmi les rebelles Niger Delta Defense And Security Council (Nddsc), ont été déclarés en bonne santé. En dépit des menaces de mort proférées dès l'entame de la prise d'otage par le brigadier Akipeela, il ne leur arrivé aucun désagrément. "Ils n'ont souffert d'aucun mauvais traitement. Nous prenions soin d'eux, de leur enlèvement à la remise en liberté. C'est sans peur que nous disons qu'ils sont en bonne santé", a affirmé hier au téléphone, le général Basuo. En repartant du Palais de l’Unité hier soir, les otages notamment français devaient subir des tests médicaux avant leur sur Paris ce mercredi.
Une page de l'insécurité et de la piraterie maritime autour de la zone de Bakassi va momentanément être tournée, sans effusion de sang et sans drame. Mais sans avoir livré tous ses secrets. Et sans assurance qu'un tel scénario ne se reproduira pas dans les prochaines semaines dans cette zone qui, plus que jamais, sera celle de tous les dangers.
Les dix otages libérés-Fabien Tallec, âgé de 50 ans et originaire de Concarneau,
-Julien Meheust, 25 ans et ressortissant de Pléneuf-Val-André,
-Pascal Le Costoec né à Moëlan-sur-Mer il y a 44 ans,
-Anthony Chorlay de Douarnenez né en 1984,
-Florentin Coulas, de nationalité française;
-Thomas Paos, de nationalité française,
-Sarr Ngagne, mécanicien franco-sénégalais,
-Yasin Tarcroum, élève de nationalité tunisienne,
-Faustin Boyomo, matelot de nationalité camerounaise
-Zéphirin B. Boloko, cuisinier de nationalité camerounaise