Douala : La Cud fait son marché à Mboppi



Elle y envisage un projet de privatisation au grand dam des commerçants.
Monique Ngo Mayag

Depuis le 24 novembre 2008, la boutique d'Alice Maguedjio ne désemplit pas. C'est que la secrétaire générale de l'Association des commerçants dynamiques du marché Mboppi (Ascodym) doit rassurer les siens sur l'avenir de leur espace commercial. Car cela fait des mois que la Communauté urbaine de Douala (Cud) envisage de céder la gestion du marché à un particulier, ce qui ne semble pas en contenter les occupants.
Martine Tamo, la rage aux dents, explique : "L'opérateur privé qui va arriver va sûrement nous déloger à sa guise, pourtant ce marché a été construit par les vendeurs eux-mêmes, sans l'apport financier de l'Etat et on ne saurait nous imposer un opérateur économique qui compromettrait notre avenir".

A quelques mètres, un autre vendeur semble partager ses propos par un hochement de tête. En requérant l'anonymat, ce dernier ouvre une fenêtre sur la genèse de ce marché et les travers qui seraient à l'origine de la situation actuelle. "Nous sommes en réalité les recasés du marché Bessèkè. A l'époque, nous vendions sur ce site. Mais en 1978, à cause des travaux de réaménagement du Port de Douala, nous avons été sommés de nous délocaliser. L'Etat nous a donc proposé le terrain de Mboppi. C'est ainsi que chaque commerçant avait une parcelle de terrain pour bâtir une boutique. Le sous-préfet de l'époque délivrait à chacun une attribution définitive, sans condition qui servait de titre foncier", raconte le vieil homme. Une période durant laquelle la gestion du marché était assurée par le sous-préfet, avant d'être le fait plus tard de la Cud. Tout semblait alors aller pour le mieux. Jusqu'à cette année 2005.

Confusion
Le projet de céder la gestion du marché Mboppi à un concessionnaire date en effet de cette année-là. La première tentative se serait heurtée à la vive protestation des commerçants. D'où la "décision du délégué du gouvernement de l'époque d'annuler le contrat de concession établi avec un privé, qui projetait déjà d'augmenter les frais de droit de place de 4000 à 18.000 Fcfa". En 2008, le problème refait surface avec une note de service du délégué du gouvernement qui dit que "Durant cette prorogation, l'Administrateur provisoire assure l'accompagnement et la passation de service du nouveau concessionnaire dans le cadre de la cogestion active".

Cette lettre administrative sous-tend que le marché appartient désormais à un concessionnaire. "D'ailleurs lors de la réunion d'information tenue le 18 novembre avec le délégué du gouvernement, ce dernier nous a signifié qu'un préfinancement d'un montant de 40 millions avait déjà été encaissé", révèle Martine Tamo. Mieux, Fritz Ntonè avait expliqué que la "cogestion active suppose que 50% des recettes du marché reviennent à la Cud et le reste est départagé entre le concessionnaire (privé) et les commerçants", explique Christophe Fotso, président de l'Ascodym. D'après ce qui se raconte à Mboppi, le pressenti concessionnaire du marché serait Célestin Ketchanga, homme d'affaires bien connu et député du Rassemblement démocratique du peuple camerounais (Rdpc).

De cette assise avec le délégué du gouvernement, il en était ressorti aussi que "les frais de droit de place collectés par les agents de la Cud, n'arrivent pas dans la caisse municipale". Le marché Mboppi compte près de 1000 commerçants et, en principe, chacun débourse 4.000 Fcfa par mois pour les frais de droit de place. Mais sur les quelque 8 millions de Fcfa attendus, le délégué du gouvernement aurait déclaré que seulement 350.000 Fcfa au pire et 3 millions au mieux, lui était reversés. Ce serait l'une des raisons énoncées par M. Ntonè pour justifier le projet de privatisation. Pourtant, Christophe Fotso affirme que "tous les commerçants payent leur quittance".

La faute incomberait donc aux percepteurs du marché. Ce qui, selon Jonathan Essome l'un des percepteurs indirectement incriminés, n'est pas vrai vu que l'argent collecté atterrit dans les coffres de la Cud. "J'étais présent lorsque le délégué du gouvernement a déclaré le contraire, mais on ne peut contredire son patron." M. Mandengue, chargé de la gestion des marchés à la Cud et par ailleurs adjoint du délégué du gouvernement, déclare pour sa part que la seule personne habileté à répondre est Fritz Ntonè lui-même. Ce qui explique les tentatives infructueuses aux fins d'obtenir les déclarations des agents proches du dossier.

mboasawa

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