Lundi 17 septembre, ils ont honoré le rendez-vous avec le nouveau chef de département de la Culture. Des ténors et des icônes de la musique camerounaise, la nouvelle génération ont presque tous pris la parole, hier, dans la salle de conférences du Palais des congrès. Anne Marie Ndzié, André Marie Talla, Ange Ebogo Emérent, Grâce Decca, Ottou Marcellin, K-Tino, Odile Ngaska etc. ont tenu à profiter de cette journée qui, comme l’ont certifié certains, restera mémorable dans l’histoire de la culture camerounaise.
“ C’est un véritable honneur pour nous d’être reçu en direct par le ministre de la Culture. C’est quelque chose qui est très rare, voire même inexistant dans notre pays ”, déclare Josué Eric Ndongo, artiste-musicien et secrétaire général adjoint de l’Association camerounaise pour le développement et l’encadrement des musiciens (Academ). D’autant plus que Ama Tutu Muna a décidé de donner la parole à qui veut la prendre pour cette rencontre qu’elle a voulu conviviale.
Il ressort de cette réunion de prise de contact que la condition et le statut de l’artiste souffrent de plusieurs maux qui handicapent son évolution. L’artiste Don Compadre, parmi les premiers à prendre la parole, pointe un doigt accusateur sur les sociétés de gestion de droits d’auteur, notamment la Cameroon music corporation (Cmc). “ L’artiste camerounais n’a pas de statut, il est chosifié. Il faut, par exemple, raser les murs des administrateurs de la Cmc pour avoir des prébendes, pour ce qui est de la répartition de l’argent. Ce n’est qu’une minorité qui reçoit quelque chose ; le reste, on les trompe avec des miettes. Les artistes investissent en amont, mais ne reçoivent rien en aval. Et puis, le choix de l’artiste de l’année n’est que le résultat d’une mafia de corrompus. On ne tient plus compte du message que fait passer l’artiste. Il est temps que le ministère s’implique honnêtement pour vérifier ces conditions d’éligibilité ”, évoque-t-il. D’aucuns ont même proposé qu’on libéralise la Cmc, à défaut de la dissoudre. Ce dernier, comme plusieurs d’entre eux, s’est demandé à quoi sert le compte d’affectation d’aide aux artistes alloué par le président de la République. D’après lui les critères d’éligibilité de ce Compte sont à revoir. “ On constate que cette aide est souvent octroyée aux artistes fictifs, alors que les artistes qui remplissent toutes les conditions triment pour avoir quelque chose. Et même lorsque votre nom est enfin sur la liste des ayant droit, on vous donne 30% de la somme que vous devez percevoir ”, renchérit son collègue Foly Dirane. A plusieurs reprises, les artistes ont taxé le Sg du Mincult, Thomas Fozin, qui gère ce compte, de haïr les musiciens. Il est par ailleurs accusé de ‘bloquer systématiquement les recouvrements dans les grandes sociétés’.
Pulchérie Etoundi, producteur, et Rantamplan, artiste-musicien, se sont montrés préoccupés par les coûts exorbitants de la promotion. “ Rendez-vous compte qu’on doit payer 144 milles francs à une Fm pour que votre nouvel album soit diffusé. En plus, il faut motiver l’animateur, sinon il préfère jouer les musiques étrangères. Alors qu’il y a quand même une loi qui dit que les radios et télévisions d’Etat doivent diffuser 80% de musique locale. Les médias n’ouvrent pas les portes aux artistes camerounais et ça, c’est décourageant ”, soulève Rantamplan. Le manque de formation des artistes et des entrepreneurs ne laisse pas les concernés indifférents. Ils déplorent l’absence d’écoles de musique, de séminaires de formation, tout ce qui peut être à même d’éduquer un artiste. “ 99% des artistes camerounais n’ont rien dans la tête. Ce qui fait qu’on se retrouve avec trop d’aventuriers. Les salles de spectacles sont inexistantes et les cabarets sont en perte de vitesse. Avec tout ceci, l’artiste ne peut pas s’épanouir ”, relève le musicien Don Pedro. Les acteurs du domaine musical ne peuvent pas parler de cet art sans évoquer la piraterie qu’ils appellent eux-mêmes le fléau des temps modernes devenu un style de vie au Cameroun. “ 4% des gains des artistes ont été affectés à la cellule de lutte contre la piraterie du Mincult, mais on ne voit pas le travail qui est fait ”, lance Jean-Pierre Essome. “ Mais, il faut aussi relever que les artistes eux-mêmes sont rentrés dans la piraterie. Certains possèdent des logiciels pour graver les musiques et faire vendre par des personnes intermédiaires ”, mentionne un artiste.
A la suite d’André Marie Talla qui affirme que les artistes camerounais meurent de misère, Ottou Marcellin s’est exercé à compter le nombre d’artistes morts ces derniers 18 mois. “ Au total en moins de deux ans, 19 artistes sont morts de misère ”, compte-t-il. Avant de poursuivre : “ Le statut de l’artiste camerounais est attendu depuis plus de 10 ans. Par exemple, j’ai déjà reçu une vingtaine de distinctions internationales, mais aucune nationale. Cela prouve que notre pays ne sait pas reconnaître et valoriser ses talents. Aussi, nous voulons jouer devant notre chef de l’Etat. ça se passe dans d’autres pays, mais pourquoi pas au Cameroun ”.
L’intérêt visible de Ama Tutu Muna a appuyé sa promesse, à savoir que ce genre de rencontre se tiendra souvent au moins deux fois par an. La Mincult a quatre journées pleines cette semaine pour recevoir les acteurs des différentes filières artistiques. Ce jour, c’est la filière arts plastiques et graphiques qui étale ses doléances.
Pélagie Ng’onana (Stagiaire)
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