La ministre Ama Tutu Muna, s’est montrée très active. Depuis son arrivée à la tête du ministère de la Culture Une semaine après son installation, elle a organisé des séances de travail au Palais des congrès. On y a vu défiler des prestidigitateurs, des agitateurs de foule, des artistes, des imposteurs, des inquisiteurs de conscience, des pseudo producteurs de musique et des spectacles, des affairistes et des marchands d’illusion. Beaucoup n’ont pas hésité à verser dans l’injure et l’invective. Cibles prisées : certains dirigeants des organismes de gestion collective et ceux de la commission permanente de médiation et de contrôle (Cpmc). Mêmes certains affidés, proches collaborateurs du ministre d’Etat Léopold Ferdinand Oyono (Thomas Fozem Kwamke le Sg, en l’occurrence), en ont eu pour leur compte.
Le malaise
Plusieurs factions et clans rivaux en ont profité pour se truander, pour régler des comptes, et tourner le fer dans les vieilles plaies qu’on croyait cicatrisées. D’autres ont ressuscité les rancœurs du passé, versé du venin sur leurs confrères et collègues. Le temps d’une semaine de concertation, le Palais des congrès s’est vu transformé en un ring de catch. Ama Tutu, a mesuré l’ampleur des engueulades. Par moment, on l’a vue, le regard fuyant, l’air dépité, regrettant d’être le metteur en scène, la réalisatrice et l’actrice principale d’un piteux show cinématographique.
La ministre de la Culture a par la suite opté pour la création des comités de réflexion sur le fonctionnement des organismes de gestion collective. Le travail ne manquera pas à madame la ministre. La fourmilière du Mincult attend un véritable coup de pied. L’organigramme interne, la nomination des responsables dans des directions stratégiques, l’Ensemble national, le compte d’affectation spéciale, la lutte contre la piraterie, l’organisation du festival national des arts et de la culture (Fenac), dont la dernière édition remonte en 2002, à Bafoussam... Le Messager fait un tour d’horizon du tonneau de danaïdes.
Malaise au Mincult
I- Les douze travaux de Ama Tutu Muna
Le 10 septembre 2007, lorsque la nouvelle ministre de la Culture prend fonction à la tête dudit ministère, l’état des lieux n’est guère reluisant. Le département ministériel connaît des difficultés et des dysfonctionnements au niveau des stratégies de développement culturel. L’absence d’un organigramme viable et l’inexistence d’une feuille de route sont perceptibles. Il manque également de la ressource humaine chargée d’animer les directions stratégiques. Seul le secteur du droit d’auteur est un domaine stabilisé et pacifié. Et déjà les grands chantiers, ayant résisté à son prédécesseur se présentent. Le plus gros est la lutte contre la piraterie. Malgré de nombreux efforts, rien ne bouge. On vend les Cd piratés, même à l’intérieur du ministère. La gestion des fonds (1 milliard de Fcfa par an) débloqués pour approvisionner le compte d’affectation spéciale pour le soutien de la culture, créé par décret du chef de l’Etat en 2001, est un véritable serpent de mer.
A peine deux milliards distribués (sur les six reçus) aux nombreux auteurs des œuvres de l’esprit et autres auxiliaires de la création artistique. De nombreuses autres préoccupations majeures suggèrent l’action immédiate de Ama Tutu Muna. L’administration de son ministère est déliquescente. La centrale de lecture publique est dans un état de délabrement déconcertant, le théâtre national, le ballet national, l’orchestre national sont sur la paille. Cet Ensemble national court toujours après son statut, malgré ses trente années d’existence. Les artistes recrutés sont payés à la pige et tombent comme des mouches en sursis. Le musée national n’est pas à la mesure des attentes placées en lui. L’inventaire du patrimoine est statique. Les archives nationales attendent d’être rénovées.
II- Les droits d’auteur : patate chaude
Lorsque “ Le vieux nègre ” est débarqué, le 7 septembre 2007, le domaine du droit d’auteur a évolué ; à la grande satisfaction des artistes et des opérateurs culturels. Les grands équilibres ne font certes pas l’unanimité, mais ils rassemblent l’adhésion des auteurs des œuvres de l’esprit et autres auxiliaires de la création artistique, dans leur très grande majorité. Moins d’un mois après sa prise de fonction, on constate que l’une des priorités du nouveau ministre, semble s’orienter vers le contrôle et la maîtrise des comptes financiers des sociétés civiles de gestion collective du droit d’auteur et la Cpmc.
Il y a quelques jours, la ministre a en effet saisi par écrit les quatre organismes de gestion collective et la Cpmc. Elle exige, sous huitaine, tous les comptes financiers assortis des relevés bancaires de toutes les opérations effectuées ; même ceux du temps de son prédécesseur ayant reçu un quitus. Conforment à l’article 79 de la loi 2000, sur le droit d’auteur, la démarche ministérielle se comprend sur un détail. Le texte invite tout organisme de gestion collective “ à communiquer ses comptes annuels, les règles des perceptions des droits, les accords de coopération et conventions signés avec les tiers… ”. Mais, du côté des dirigeants de sociétés civiles des droits d’auteur, on estime que le ministre va au-delà de son rôle de police administrative. “ Le ministre donne les agréments ; s’occupe du contrôle de la régularité et la conformité à la loi. Mais, ce rôle ne doit pas générer des confusions, de manière à transformer les organismes de gestion collective en des annexes du ministère de la Culture ”, commente un Pca.
III- Poudrière
L’intérêt du ministre Ama Tutu Muna, pour le secteur du droit d’auteur effarouche et braque les sociétés de gestion collective. “ Nous peinons à supporter les charges et demandons à être aidés par le nouveau ministre, dans le travail de recouvrement de la redevance du droit d’auteur auprès des grandes entreprises et les sociétés brassicoles ”, explique un administrateur à la Cmc. Les intrusions répétées du ministre dans le secteur du droit d’auteur sont interprétées comme une opération de déstabilisation ou de remplacement du système actuel. “ Il y a dans la démarche du ministre, une intention volontaire ou non, de jeter un pavé dans la marre. Les ennemis et adversaires du système actuel pourraient exploiter cette maladresse. Le risque est grand et même certain que les grands usagers et les sociétés brassicoles se rétractent. Au point de refuser, sinon de différer le payement des droits. Le ministre leur offre un prétexte pour recommencer d’autres négociations ”, se plaint un président de conseil. “ Si tel est le cas, il est fort à parier que non seulement les artistes ne recevront pas leurs droits en fin d’année, mais les sociétés de gestion collective seront menacées de fermeture. Jusqu’ici, leur dernier espoir repose sur le payement de la redevance par les grands usagers et les sociétés brassicoles ”, se plaint un autre. Et déjà, des marches de protestation sont envisagées dans le milieu des artistes.
Après les assises du Palais des congrès
Un comité souterrain pour quoi faire ?
La ministre de la Culture a signé le 24 septembre 2007, aux lendemains des rencontres au Palais des congrès, la décision n°003/Mincult/Cab, portant désignation des membres du comité de synthèse, d’analyse et de propositions. Dirigé par Marcelin Mvounda Etoa, directeur des éditions clé, le comité est composé de dix personnes. Tikum Mbah Azonga et Mal Njam, en sont les rapporteurs. Parmi les membres, on retrouve : Simone Edzoa, Bassek ba Kobhio, Anne Tangny Tang, Bolé Boutaké, Blaise Kéné, François Bingono Bingono et Kini. Selon les délais fixés par la ministre, l’équipe avait dix jours pour remettre sa copie. L’article 3, stipule que “ la participation au comité est gratuite. Toutefois, les dépenses de fonctionnement dudit comité sont imputables au budget du ministère de la Culture, au titre de l’exercice 2007 ”. Mais, à bien y regarder, l’expertise des membres, n’est pas gratuite. Chaque membre va empocher une rondelette somme de 500.000 Fcfa. Le coût de l’opération s’élève à cinq millions.
Dans le fond et sur la forme, le comité créé par la ministre Ama Tutu Muna a l’intention d’être une opération de charme, au plan stratégique. Il est composé des gens qui, pour la plupart, n’ont jamais été mêlés dans les guerres de clan, ni joué un rôle trouble dans les batailles de leadership du ministère de la Culture. Ce sont des personnes neutres, qui ne sont pas connues pour se battre à occuper une position confortable dans la proximité de la ministre. On leur reconnaît, la dignité et l’honneur. Ils ont toujours été absents dans les luttes d’influences, pour le contrôle des sociétés civiles de gestion collective. Ils sont, chacun, expert dans son domaine. Leur expérience dans les secteurs de l’édition, l’organisation des festivals, la production culturelle et l’industrie du spectacle, la mise en scène et la dramaturgie … plaide en leur faveur
La charrue avant les bœufs
Le comité est créé, après “ le grand spectacle ” du Palais des congrès. Les meilleures contributions à ce “ show ” ont été plus orales qu’écrites. Ce qui pose l’énorme problème de synthèse et d’analyse. Rien n’est précisé sur le sort qui sera réservé aux résolutions du comité. “ Notre rôle se limite à faire la synthèse des contributions écrites et orales, analyser la pile des documents adressés au ministre ; et à proposer des solutions sur ce qui mérite d’être pris en considération ”, commente un membre du comité. En réalité, les missions du comité vont au-delà de cette “ façade ”. Après avoir exorciser les doléances, le comité aurait demandé aux responsables des Cpmc et des organismes de la gestion collective, de déposer les bilans.
L’opération Epervier de Ama T. Muna
Après le comité de synthèse, d’analyse et de propositions, le ministre de la Culture s’apprête à mettre en place, un autre comité pour procéder à la réévaluation des textes sur le droit d’auteur, signés du ministre d’Etat, Ferdinand Léopold Oyono. Dans les coulisses, il se murmure qu’on va convoquer, à nouveau, tous ceux qui ont travaillé dans l’élaboration de la loi du 19 décembre 2000, sur le droit d’auteur. Certains parlent d’un séisme, qui va balayer toutes les fondations mises en place depuis sept (7) ans. D’autres parlent de la deuxième débâcle du “ Vieux nègre ”. Le plus gros de l’héritage de Ferdinand L. Oyono, repose sur la réforme institutionnelle de la culture ; particulièrement du droit d’auteur. Moins de dix ans après sa mise en route définitive, la réévaluation de cette loi, pourrait s’assimiler au reniement des neuf années (de 1998 à 2007) de bataille d’Oyono, au ministère de la Culture…
Selon certaines sources, l’envie de réévaluer est liée aux deux cent (200) recours reçus au Mincult. Mais, derrière cette raison “ officielle ”, il y a une autre. Les grands usagers et les sociétés brassicoles traînent le pas à payer la redevance aux artistes. Le départ de Ferdinand Oyono, qui n’a pas voulu céder au chantage, est un bon débarras.
Par Dossier réalisé par Souley ONOHIOLO
Le Messager