Les étudiants inscrits en cycle doctoral sont confrontés à des difficultés académique, humaine, matérielle et financière.Le 23 février dernier, des étudiants ont manifesté devant le rectorat de l’université de Yaoundé I. Objectif, débloquer la programmation de leurs soutenances de thèses dans l’impasse depuis six mois à 4 ans. Cette manifestation, semble t-il, a porté des fruits, puisque Dieudonné Kuaté, l’un des doctorants grévistes, si l’on s’en tient au communiqué affiché à la Faculté des sciences de cette université, soutiendra finalement sa thèse demain, après moult tractations avec le rectorat, qui arguait notamment des problèmes d’éthique dans la démarche de ces chercheurs. Les cas de Dieudonné Kuaté et consorts ne sont malheureusement pas isolés dans les universités d’Etat camerounaises.
Pour Apollinaire Foulla Damna, doctorant en sciences politiques à l’université de Yaoundé II Soa, les difficultés en matière de recherche sont de plusieurs ordres : « Il y a des contraintes matérielles, à savoir l’absence de financements, des difficultés de collecte sur le terrain et des contraintes académiques, en l’occurrence l’indisponibilité des directeurs de thèses». En plus, ce doctorant explique que « l’absence de laboratoire de recherche spécialisé, le déficit de bibliothèques tout comme l’absence des revues scientifiques spécialisées dans lesquelles les chercheurs peuvent présenter leurs travaux ou des articles, font partie des réalités faisant entrave à la recherche ».
Un avis que valide le Pr. Nzenti, enseignant à la Faculté des sciences à Yaoundé I. Selon cet enseignant, «il y a un manque de poste de travail fixe pour conduire les travaux. Très souvent, c’est le bureau de l’encadreur et son matériel qui sont utilisés par les étudiants». Cet enseignant, ne manque pas de dénoncer la lenteur avec laquelle les chefs de départements traitent les dossiers de programmation des soutenances de thèses de Doctorat et de Master II.
L’on apprendra de Milan Tchouatcha, étudiant en thèse à la Faculté des sciences à Yaoundé I, qu’ « il existe au ministère de l’Enseignement supérieur (Minesup) une direction de l’assistance aux étudiants en cycle de recherche ». D’après lui, Il suffit de constituer un dossier répondant aux normes pour bénéficier d’un financement. Mais Milan Tchouatcha rapporte qu’il « a attendu trois ans en vain la réponse du Minesup pour l’achat d’un billet d’avion à destination du Caire en Egypte » où il comptait collecter des données pour sa thèse : « Il y a du favoritisme dans l’octroi des financements au Minesup », fulmine-t-il.
Droit de cuissage
Ce thésard déplore du reste la «mentalité des encadreurs qui consiste à diriger les étudiants en fonction de leurs intérêts. Lorsqu’ils n’ont rien à gagner, ils abandonnent les étudiants à eux-mêmes», tranche-t-il. Délaissé, le candidat est alors obligé d’adapter son travail aux états d’âme de son encadreur. A en croire James Mbanwi, « certains encadreurs ne sont pas accessibles. D’aucuns exigent aux candidats de payer leur déplacement, leur hébergement et nutrition ou simplement la consultation».
Une autre réalité, qui prend de l’ampleur sur les campus, et qui fait obstruction à la recherche, c’est «le favoritisme ethnique», comme le dénonce Eric Tchio, doctorant en géosciences du sol. «Certains encadreurs, prennent en compte le facteur ethnique avant d’accepter de travailler avec un étudiant ». Il faut dire que cette démarche est renforcée par le fait que l’encadrement d’un étudiant rapporte de l’argent à l’encadreur, dans certains établissements.
Hormis cela, l’on s’insurge contre le « le droit de cuissage» dont sont victimes essentiellement les filles dans les universités. Sous anonymat, une jeune étudiante en cycle de doctorat, a reconnu avoir été victime du harcèlement sexuel de son encadreur lorsqu’elle préparait son Master II. Jean Emmanuel Pondi, enseignant et secrétaire général de l’UyI en parle également avec force détails dans un ouvrage récemment publié.
Pour certains encadreurs, les étudiants sont en partie responsables du manque d’avancement de leurs travaux. Pierre Paul Tchindji, enseignant à l’Ecole supérieure des sciences et techniques de l’information et de la communication (Esstic), indique qu’«aujourd’hui les conditions de travail en matière de recherche académique se sont améliorées. Le gouvernement subventionne les jeunes chercheurs. Ce sont plutôt les étudiants qui cèdent à la facilité \[en plagiant notamment des travaux qui existent déjà dans des bibliothèques, ndlr]. Moi, j’aime bien encadrer les étudiants, surtout que cela contribue à l’évolution de ma carrière», précise-t-il.
Georges Alain Boyomo et Nicolas Vounsia (Stagiaire)
mboasawa
3713 Blog des postes