Les effets néfastes du dépôt d’ordures sont de moins en moins perceptibles par les populations locales, mais des risques d’intoxication existent encore.
C’est depuis 1998 au confluent de trois villages (Nkolfoulou, Nsan et Ebogo) que la société Hygiène et salubrité du Cameroun (Hysacam) déverse au quotidien environ 1500 tonnes d’ordures collectées dans la capitale et ses environs. La proximité des populations avec les détritus ne va pas sans désagréments. Car, pendant longtemps, en saison sèche notamment, les mouches et les odeurs envahissaient leur cadre de vie. Au point où le phénomène qui était vécu dans l’environnement immédiat de la décharge s’était propagé dans d’autres coins de l’arrondissement de Soa. «Je réside à Nkolfoulou depuis 25 ans. Pendant la saison sèche, et aussi pendant la saison des pluies, il devenait très difficile de vivre à cet endroit», se souvient encore Crescence Messi, l’une des riveraines.
Le maire Essama Embolo, lors de la cérémonie d’inauguration le 29 juin 2011, de la première centrale de captage de biogaz en Afrique centrale construite par Hysacam, se souviendra que des années durant, les populations ont vécu la peur au ventre en pensant au syndrome du Lac Nyos. «Des nuisances qui ont parfois engendré des mouvements d’humeur» dira-t-il. Les populations accusaient Hysacam de ne pas traiter les déchets selon «les normes notamment en ce qui concernait l’enfouissement». Des réclamations qui avaient conduit la société Hysacam à pulvériser les abords de la décharge d’insecticides pour limiter la prolifération des mouches.
Par ailleurs, la manipulation de ces déchets à Nkolfoulou, et surtout le gaz nocif qui en sortait, semblait aussi avoir une incidence sur la santé des populations comme se rappelle encore le chef du Centre de santé urbain et intégré de Soa. Ce dernier affirme avoir reçu plusieurs fois jusqu’à la fin de l’année 2008, de nombreux patients venant des environs et souffrant de maladies hydriques et de la peau. Toutefois, les causes de ces maladies, sont restées floues. Si pour une frange de la population, elles sont le fait d’une mauvaise hygiène des populations elles-mêmes, pour d’autres, il ne fait aucun doute que cela est dû à l’utilisation par quelques riverains de l’eau provenant du cours d’eau «Foulou» qui coule en contrebas de la décharge. Une accusation que réfute la société d’Hygiène et Salubrité du Cameroun, qui précise que tous les eaux usées découlant des déchets ménagers sont recueillies dans des bassins de rétention et traitées.
Quoiqu’il en soit, en décembre 2007, une étude avait été lancée sur l’impact des gaz provenant de la décharge sur l’écosystème et la santé humaine auprès des populations riveraines et sur les travailleurs. Mais les résultats n’ont jamais été rendus publics. Pour la société Hysacam, l’impact sur la santé reste presque nul. «Ce gaz constitué en grande partie par le méthane qui est 21 fois dangereux que le gaz carbonique a plus d’effet sur la couche d’ozone que sur l’homme.» a expliqué la cellule de communication de cette société d’hygiène.
Une société qui, à en croire les responsables de sa cellule de communication, n’a officiellement relevé aucun cas de maladie lié à la présence du centre de stockage de décharge de Nkolfoulou. Aujourd’hui, ces maladies rencontrées dans la localité, bien qu’elles n’aient pas tout à fait disparues des consultations, sont tout de même de moins en moins fréquentes, comme l’indique l’infirmier chef du Centre de santé «La citadelle», Jean Yebga : «Les gens souffrent de fièvre typhoïde, de diarrhée…Mais il faut avouer que nous recevons plus de patients atteints de paludisme».
Explications
Pour l’environnementaliste, Blaise Efendene, les multiples mouches observées à une période à Soa, provenait d’un enfouissement mal fait. «C’est que la décharge générait des Lixiviats et du gaz méthane qui constituent un risque potentiel pour la santé surtout sur celle des travailleurs». «Une situation désormais sous contrôle», a indiqué Arlette Tchapoya; responsable de projet Mécanisme pour un Développement propre(Mdp).
Il faut dire que ces odeurs extrêmement fortes étaient le fait de la fermentation de la matière organique biodégradable provenant des déchets ménagers. Aujourd’hui, ils sont enfouis dans les casiers qui vont de 15 à 20 mètres sur une superficie variable de 150 à 200m2. Après avoir apprêté le sol, il est question de la mise en décharge qui permet dans un premier temps d’étaler les déchets qui sont ensuite compactés et revêtus d’une couche de terre. Ces déchets qui se décomposent produisent du méthane qui est un gaz à effet de serre nocif. Toutefois, Michel Ngapanoun n’a pas nié, lors d’une conférence de presse donnée mardi 28 juin dernier à Yaoundé que cette technique a montré quelques limites : «il y avait émanation de gaz, mais le maximum était stocké et compacté. Ils étaient dans une certaine mesure emprisonnés».
Ces gaz qui sont dorénavant captés et brûlés à travers le projet Mdp. Le gaz donc passé à haute température dans la torchère est rendu neutre. Pour le bien-être des populations riveraines. Mais depuis près de deux ans, le triste spectacle d’un quartier de Nkolfoulou dans l’arrondissement de Soa exhalé d’odeurs nauséabondes à longueur de journée, a presque disparu et les populations apprécient la vie dans un environnement moins pollué . «Il fait bon vivre maintenant ici. Plus besoin de se boucher les narines pour éviter d’aspirer les mauvaises odeurs provenant de la décharge», confie un quinquagénaire. «Nous sommes de moins en moins envahis par de fortes odeurs» témoigne René Koungou Ebédé, riverain du village Nkolfoulou I et dont la maison jouxte la clôture de la société d’Hygiène et Salubrité du Cameroun (Hysacam), est formel.
Pour le député suppléant de la Mefou et Afamba, il ne fait aucun doute que le changement est considérable. Pourtant, la décharge s’y trouve toujours. Les bestioles (mouches, moustiques, taons …) autrefois nombreuses sont dorénavant presque invisibles dans la décharge contrôlée de Nkolfoulou.
Josephine Abiala