Histoire du Cameroun : De l’Indépendance et de la Réunification


Ils sont nombreux les Camerounais qui oublient l’histoire de leur pays après l’école ; l’auteur nous rappelle qu’elle est une donnée permanente de notre vie commune.



 



Protectorat allemand (1884-1916), Territoire sous mandat de la Société des Nations (1919-1945), Territoire sous tutelle de l’Organisation des Nations Unies (1946-1960/1961), le Cameroun, décidément, était voué à l’“internationalisme” en attendant son indépendance et sa réunification.
La Première Guerre mondiale se termina au Cameroun le 20 février 1916 avec la capitulation de Mora. Les Allemands se réfugièrent en Guinée espagnole, territoire neutre comme la métropole, l’Espagne. Mais bien avant la fin de la guerre au Cameroun et à la suite de l’occupation de la ville de Douala par les forces alliées en septembre 1915, un condominium, sorte d’administration commune, spéciale et provisoire, fut établi entre les Français et les Anglais.
Aussitôt après le départ des Allemands, Français et Anglais se partagèrent le butin de la guerre. L’Accord du 4 mars 1916 mit fin au condominium et définit les frontières d’influence de la France et de la Grande Bretagne.

Lors de la conférence des préliminaires de la paix tenue à Paris le 24 janvier 1919, on aborda la question des colonies. Si la non restitution à l’Allemagne de ses territoires faisait l’unanimité des participants, la question du sort à assigner à ces territoires par contre fut l’objet de divergences de points de vue.
Pour le président américain Wilson, dans le 5e des 14 points qu’il énuméra devant le Congrès des Etats-Unis le 8 janvier 1918, il préconisa «un arrangement librement débattu, dans un esprit large et absolument impartial, de toutes les revendications coloniales, fondé sur la stricte observation du principe que, dans le règlement de ces questions de souveraineté, les intérêts des populations en jeu pèseront d’un même poids que les revendications équitables du gouvernement dont le titre sera à définir». Ce langage a laissé croire que le Président Wilson avait en vue l’internationalisation des colonies allemandes avec leur administration confiée à la Société des Nations.

Les Alliés, par contre, étaient d’accord pour l’annexion pure et simple des colonies allemandes. Après plusieurs jours de discussions et de concessions réciproques, un projet de “Covenant” de la ligue des Nations fut publié le 13 février 1919. Son article 19 qui prévoyait le Mandat colonial devait devenir l’article 22 du pacte de la SDN. Ce qui provoqua des protestations de la part des Anglais et Français qui ne souscrivirent pas à l’arrangement. Le projet du 13 février fut amendé et adopté à l’unanimité par la conférence de paix le 25 avril 1919.
Le Traité de Versailles signé le 28 juin 1919 fixa le sort réservé aux colonies allemandes. Conformément aux articles 118 et 119, “l’Allemagne renonce en faveur des principales puissances alliées et associées à tous ses droits et titres sur ses possessions d’Outre-mer”. Mais bien avant la signature du Traité de Versailles et en vue de la renonciation de l’Allemagne, le Conseil supérieur, représentant les principales puissances alliées et associées, avait pris, le 7 mai 1917, une décision répartissant les colonies sous le régime de mandat, en formules A, B et C, régime proposé par Smuts, représentant Sud-Africain.

Le Cameroun se trouva sous la formule B regroupant les pays à revenus moyens.
Les Anglais et les Français, vainqueurs des allemands au Cameroun, se virent confier le mandat sur ce dernier. Le 10 juillet à Londres, la France et la Grande-Bretagne fixèrent les limites de leurs zones d’influence respectives et en demandèrent aussitôt l’application du régime de Mandat. Celle-ci intervint en juillet 1922. “Ainsi, le Cameroun qui, depuis toujours, avait une vocation à l’internationalisme historique devenait la propriété privée et chasse gardée de deux puissances …”
Le Cameroun fut donc divisé en deux entités administratives : française et britannique. Si la partie confiée à la France a gardé son unité territoriale et l’homogénéité de son administration jusqu’à l’indépendance le 1er janvier 1960, la partie confiée au Royaume-Uni, par contre, a subi des modifications sur les plans territorial, politique et administratif.

Le mandat confié par la Société des Nations (articles 22 et 23 du Pacte) au Royaume-Uni sur une partie du Cameroun stipulait que la puissance mandataire devait l’administrer en tant que partie intégrante de son propre territoire. En pratique, le Royaume-Uni intégra le système administratif de la partie qui lui avait été octroyée à celui du Nigeria voisin. Or, ce dernier lui-même était loin d’être un pays homogène. C’est ainsi que le Cameroun sous administration britannique fut divisé dans un premier temps en trois régions distinctes rattachées chacune à une province du Nigeria : au Nord la région de Dikoa, rattachée à la province du Bornou, au Centre, la région de l’Adamaoua coupée en deux sections par l’échancrure de Yola et rattachée à la province du même nom, au Sud, le Cameroun méridional rattaché successivement à la province méridionale et à celle de l’Est du Nigeria.
Plus tard, l’Accord de tutelle de 1946, passé entre l’ONU et le Royaume-Uni, réitéra ces dispositions. Grâce aux Unions administratives rendues possibles par la Charte des Nations Unies et l’Accord de tutelle, le Royaume-Uni divisa la partie du Cameroun à lui octroyée en deux parties distinctes : le Cameroun méridional et le Cameroun septentrional. Ces deux parties connurent des évolutions différentes aussi bien sur le plan administratif que politique. Ce sont ces évolutions que nous examinons dans les paragraphes qui suivent, en insistant notamment sur :
-le système administratif ;
- l’évolution politique et,
-le rôle des Nations Unies.

A. Cameroun méridional.
A l’origine, le Cameroun méridional était appelée “la province du Cameroun” (Cameroons province). En 1948, Bamenda, ancien secteur de la province fut à son tour érigée en province. En 1951, conformément à la constitution Macpherson, le Cameroun méridional, constitué donc des provinces du Cameroun et de Bamenda, fut d’abord rattaché, sur le plan administratif, à la province méridionale du Nigéria et ensuite à la province de l’Est (Eastern Region of Nigeria).
Mais, à partir du 1er octobre 1954, avec la création de la Fédération du Nigeria, consécutive à la constitution Littleton, les provinces du Cameroun et de Bamenda cessèrent de faire partie de la province de l’Est pour être regroupées, sur le plan administratif, sous la dénomination de Cameroun méridional (Southern Cameroon).
Sur le plan politique, les premières aspirations politiques importantes qui se manifestèrent au Cameroun méridional furent de deux ordres : il s’agissait, dans l’immédiat, de rompre avec la région de l’Est du Nigeria d’une part et de faire l’unité administrative avec le Cameroun septentrional d’autre part. Le premier de ces buts fut atteint en 1954 lorsque le Cameroun méridional se sépara de la région de l’Est du Nigeria et fut doté d’un statut politique spécial «quasi fédéral». Quant au second but- l’unité avec le Cameroun septentrional- il fut presque entièrement abandonné en raison du peu d’intérêt manifesté par les dirigeants politiques de la partie septentrionale. Entre 1946 et 1954, le Cameroun méridional envoya donc ses représentants à Enugu à l’Assemblée de la région de l’Est du Nigeria.

A l’origine, ces deux tendances appartenaient à un seul et même mouvement : la “Cameroons National Federation” (CNF), formée sous l’égide de M. Endeley et composée surtout de nombreuses unions et associations “tribales” et “progressistes” existant alors. Plus tard, ce mouvement devint le “Kamerun United National Congress” (KUNC), favorable également à la réunification avec le Cameroun sous administration française.
En 1953, le mouvement se scinda et donna naissance à deux partis distincts : “le Kamerun National Congress” (KNC) qui défendait encore les buts initiaux du mouvement, et le “Kamerun people’s Party” (KPP), sous l’égide de Mbile, qui préconisait une association permanente avec la région de l’Est du Nigeria et qui était rattaché au principal parti politique de cette région, le Northern People’s Congress(NPC).
A mesure que le temps passait, et surtout après 1954, année où le Cameroun méridional, grâce aux efforts de M. Endeley, acquit un statut spécial “quasi fédéral”, en application de la constitution Littleton, le KNC envisagea de plus en plus pour le Cameroun méridional un statut de région autonome dans le cadre d’une fédération nigériane indépendante, accepta comme inévitable le fait que le Cameroun septentrional resterait fondu dans la région du Nord du Nigeria et repoussa toujours plus à l’arrière-plan l’idée d’unification des deux Cameroun.

Ainsi, grâce à la constitution Littleton de 1954, le Cameroun méridional mit en place sa propre Chambre d’assemblée à Buea, composée de 13 membres élus, 6 représentants des autorités traditionnelles, 3 membres siégeant d’office et 2 représentants spéciaux désignés pour représenter le commerce et les femmes. Cette assemblée avait les mêmes pouvoirs législatifs que celle d’une région autonome, c’est-à-dire qu’elle pouvait légiférer sur toute matière qui ne figurait pas sur la “liste des questions législatives exclues” telles que la naturalisation des étrangers, l’aviation, la banque centrale, les douanes, le défense, la police, les affaires extérieures, la citoyenneté nigériane, les chemins de fer, les ports et télégraphes, les échanges et le commerce entre les régions et le Cameroun méridional, l’immigration, la navigation les mines et minéraux, les passeports, les emprunts à l’étranger.

La constitution Littleton a également permis la création d'un Conseil exécutif composé de 3 membres siégeant d'office et 4 membres non fonctionnaires qui n'avaient pas le titre de ministre. Le rôle dudit conseil était essentiellement consultatif.
A la tête de ces deux organes (Chambre d’Assemblée et Conseil exécutif), était placé un commissaire du gouvernement britannique qui en assurait la présidence. Le commissaire était responsable de l’administration du territoire devant le gouverneur général de la Fédération et agissait conformément aux instructions de ce dernier. Par ailleurs, le Cameroun méridional était représenté à la Chambre des représentants de la Fédération nigériane par 6 membres élus, soit un par district. Il avait également droit, en vertu de la constitution, à au moins un siège au Conseil Fédéral des ministres et un de ses représentants élus était désigné à cet effet.

Ces changements entraînèrent de nouveaux progrès et, à la suite des décisions prises lors de la conférence constitutionnelle de Londres sur le Nigeria en mai – Juin 1957, le Cameroun méridional fut doté d’une constitution nouvelle. Le nombre de membres élus à la chambre d’Assemblée passa de 13 à 26 et leur élection se fit désormais au suffrage universel des adultes, y compris les femmes. Les 3 membres siégeant d’office et les 2 membres spéciaux représentant les collectivités continuèrent à siéger contrairement aux membres représentant les autorités traditionnelles dont les sièges furent supprimés. Quant à la chambre des chefs, elle fut maintenue avec environ 20 membres, soit trois au moins par division.
Parmi les autres mesures constitutionnelles prises, il faut signaler : l’introduction du système ministériel avec à la tête un Premier ministre ; l’élargissement des pouvoirs de la chambre d’Assemblée qui ,désormais ,devait examiner toutes les questions qui lui étaient soumises par le commissaire, émettre des avis par voie de résolutions et étudier les projets de loi et autres questions politiques importantes.

Ces changements ont constitué, dès la fin 1957, une question politique importante par rapport à la composition de la chambre d’Assemblée existante d’une part. En effet, cette chambre n’avait été élue que partiellement : les 13 sièges pourvus par voie d’élections l’avaient été suivant un système de suffrage qui avait pour effet de limiter le droit de vote à quelques exceptions près, aux seuls hommes adultes. Par ailleurs, les sièges pourvus par voie d’élections étaient répartis entre les principaux partis politiques de telle façon qu’une majorité ne pouvait être assurée que par une alliance entre les partis, ou grâce à l’appui d’un nombre suffisant de représentants non élus, ou par ces deux moyens.
C’est ainsi que, avant 1957, le KNC de E.M.L. Endeley constituait une majorité importante. Mais le revirement de ce dernier en faveur d’une destinée commune avec le Nigeria provoqua la scission au sein du KNC en deux partis en 1955, comme nous l’avons vu plus haut : le KNC et le Kamerun National Democratic Party (KNDP) dont le chef, M. Foncha, avait été l’un des députés du KNC à la chambre d’Assemblée.
(A suivre)

Par Pr Samuel Efoua Mbozo’o *
* Université de Yaoundé I

 


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