
Mais lorsqu'on prend entre les mains "l'homme qui m'offrait le ciel " de Calixthe Beyala, on s'aperçoit au fil des lignes qu'il s'agit bel et bien d'un roman, conforme à ce que dans une éloge au genre, on décrit en ces termes dans Le Monde des Livres (vendredi 25 Mai 2006) : " L'arme principale du roman, dans cette diffraction du monde réel, n'est pas la démonstration, la théorie, l'exercice de la raison pure. C'est la capacité à projeter le lecteur dans un monde fictif à la fois différent du sien et semblable en un point fondamental : son humanité. " Quoi de plus humain donc que le plus noble des sentiments, l'amour ? Calixthe Beyaya parle donc, tout au long de ces pages, d'amour. Et de ses ingrédients courants que sont la désillusion, la trahison, la déception.
Andela est une écrivaine noire, plutôt en vue, qui par ses livres et ses interventions publiques, milite pour toutes sortes de causes, afin que les gens de sa race cessent d'être méprisés en France et ailleurs. François est un animateur de première ligne de la télévision française, adulé par les téléspectateurs, et dont la vie privée, en apparence, ne présente aucune aspérité. L'écrivaine, quadragénaire et l'animateur sexagénaire laissent leurs destins se rencontrer.
A partir de cette rencontre, tout n'est plus que désirs, plaisirs, soupirs, corps et chairs, odeurs et couleurs ; extases. François avouera à Andela le fait que ce soit à cet âge plutôt avancé qu'il découvre l'amour vrai, la volupté à portée de main. Andela, moitié surprise, moitié obnubilée par l'étoile dénudée comme un ver de terre dans son lit, se donne, s'adonne. Elle fait découvrir à François les trésors de la cuisine et de la " main du travail " de chez eux. Tous les soirs, avant d'aller découvrir Andela, François se met d'abord en condition grâce aux nnam ngon, petits piments rouges et toutes ces autres petites choses que les amoureuses de chez nous donnent à leurs hommes avant de se donner à eux.
Rupture par Sms
Mais nous sommes à Paris. Et ça bruit. Un temps, François, tout à son amour, construit des châteaux au Burkina avec sa bien aimée. Ils pourraient se consacrer à la lutte contre les souffrances, et vivre de leur amour et d'eau fraîche s'il le faut.
Nous sommes donc à Paris, et le retour sur terre se fait, un de ces jours, après une idylle de deux ans. François coupe brutalement les ponts, en faisant annoncer par sa secrétaire à Andela, un soir où comme les autres l'amoureuse attendait : " François ne viendra pas, il ne viendra plus ". François confirme la rupture par…Sms !
On lit la longue complainte d'un trait, comme elle a été écrite. La plume n'est ni vengeresse, ni traîtresse. Elle essaye d'embellir au mieux, une histoire qui hélas, n'est pas glamour d'un bout à 'autre. La narratrice essaye de trouver une explication honorable, quelque chose d'un peu glorieux aux pires lâchetés du tortionnaire de son cœur. Pire, elle s'offre à lui encore, une dernière fois après leur rupture, dans le genre, " faisons l'amour avant de nous dire adieu ". L'érotisme est l'un des points les plus remarquables de cette production de Calixthe Beyala. Elle écrit la rencontre des corps, dans une poésie qui la sauve de toute vulgarité. Elle sait cheminer, d'une écriture chaloupée, sur cette limite ténue mais exigeante, qui existe entre le vulgaire et le décent.
Au-delà, et comme un glaive de plus, Calixthe Beyala sait trop bien inscrire son livre dans le sillage de ses combats : comme quoi, la société française, qui aime si souvent à se gargariser de sa volonté d'intégration des autres races et cultures, sait très bien mettre les freins là où elle le désire. La preuve ? Calixthe Beyala, si souvent portée aux nues pour des œuvres franchement moyennes, est largement boudée par la presse française, sur " l'homme qui m'offrait le ciel ", qui est pourtant, sans doute, le meilleur de ce qu'elle a fait jusqu'ici…