Marc Omboui se donne ainsi la chance, en exaltant le génie créateur, de faire aimer les livres pour eux-mêmes et d'amener à la lecture, entendue comme loisir sain, les publics de tous âges mais surtout les publics jeunes. Si les médias peuvent ainsi servir de catalyseur à la culture de la lecture, d'autres acteurs comme le système éducatif (scolaire et universitaire) le peuvent encore mieux.
Il est heureux de constater que, dans le cadre des animations mensuelles au CCF de Yaoundé, la branche d'Afrique centrale de l'association des écrivains de langue française que dirige Pabe Mongo ait réussi à nouer un partenariat heureux et fructueux avec le Département de Français de l'Ecole Normale Supérieure de Yaoundé. Les enseignants-chercheurs de ce Département, chaque fois qu'un auteur, généralement du terroir, est retenu comme l'hôte de la rencontre, proposent une étude systématique de son œuvre. On a donc été heureux de voir d'éminents professeurs descendre de leur piédestal et ramener le magistère à l'élucidation de l'œuvre de Chantal Julie Nlend, auteure de trois romans mais encore très peu connue, y compris dans le cercle étroit des amoureux des belles lettres de chez nous. Avant cette romancière en devenir, Patrice Kayo, Camille Nkoa Atenga… et Séverin Cécile Abéga avaient eu le même privilège. Sans nul doute, l'émission de Marc Omboui est promise à un bel avenir, s'il n'en infléchit plus l'orientation vers un type d'auteurs et d'œuvres et s'il la garde ouverte sur les milieux littéraires locaux - l'ouverture vers les grandes manifestations littéraires mondiales et nos auteurs de la diaspora est une autre paire de manches.
Aucune émission littéraire, nulle part, ne se faisant intra muros, Marc Omboui a une chance de susciter plus d'intérêt pour ses Mélanges en renforçant son partenariat avec l'Adelf-Afrique centrale et les autres milieux et cercles littéraires endogènes. Mais l'action d'un seul medium ne suffira pas ; il est à espérer que Mélanges, fasse donc tache d'huile sur les télévisions privées. Mais ce qui sera assurément déterminant pour l'avenir de notre littérature, ce sera que les enseignements de l'Ecole Normale Supérieure de Yaoundé - et bientôt de Maroua-, où se forment et se formatent les formateurs, les professeurs des lycées et des collèges et l'université fassent de la place à nos romanciers, dramaturges, poètes, conteurs. On ne peut en effet pas espérer que notre littérature soit consommée sans que ces acteurs n'initient et n'incitent les camerounais à la consommation de leur propre littérature. Au jour d'aujourd'hui, et tel que se présentent les curricula d'enseignement, dans le cycle d'études secondaires, la littérature camerounaise a la portion congrue des programmes.
Rien d'étonnant dès lors que nos élèves ne connaissent rien de tous nos écrivains "hors programme". Mongo Beti, Ferdinand Oyono, Were Were Liking, Léonora Miano, Eugène Ebodé, sont d'illustres inconnus, même pour la plupart des professeurs des lycées et collèges. La situation n'est guère meilleure à l'université où, majoritairement, les étudiants qui optent pour des études de lettres se dirigent vers les lettres françaises ou anglaises. Un cloisonnement étanche des enseignements dans la plupart des universités d'Etat tient ces étudiants à l'écart des productions littéraires africaines et a fortiori camerounaises. Dans un environnement où la lecture est une activité exotique, les rares personnes qui auraient pu servir de catalyseur à la consommation de notre littérature sont eux-mêmes dévoyés par un système dont la restructuration est un impératif. Les livres ne sont, ni du point de vue culturel ni sur le plan économique, des objets innocents pour que nous continuions à rester indifférents à ceux que nous produisons.
Par Marcelin Vounda Etoa*
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