Jean Pierre Biyiti bi Essame : Le chaud et l’effroi

 

Quand le patron des Postes et Télécommunications, hier couvert d’opprobre par ses détracteurs, devient la mauvaise conscience de l’équipe aux affaires.

Au pays des sourds-muets qui gouvernent la République, le premier qui bégaie ne peut pas ne pas apparaître comme un fieffé adepte de la transparence. Ainsi peut apparaître aujourd’hui Jean Pierre Biyiti bi Essam, aux yeux d’un peuple avide de savoir ce qu’on fait de ses impôts et taxes et à quoi s’occupent ceux qui le dirigent dans la gestion des affaires publiques. Son sursaut communicationnel, en début de semaine, sur sa première année à la tête des Postes et Télécommunications, souffre certes d’un tantinet de contre-expertise.

Il a néanmoins le mérite d’exister, dans cet océan de mépris ostentatoire pour le citoyen contributeur qui ne demande pourtant pas plus qu’un semblant de bilan. Son geste pourrait lui valoir une étoile, même pâle, dans ce vertueux couloir de la gouvernance que les 32 autres chefs de département ministériel dédaignent. C’est parfois à ces petits détails qu’on reconnaît le borgne au pays des aveugles. Le geste est d’autant plus méritoire que l’homme traîne la réputation d’être un ténébreux communicateur. Certains le disent rongé par un manichéisme congénital. D’autres le présentent comme un oligarque dont la foi se mesure à l’aune de l’idolâtrie qu’il voue à son maître… On a pu le vérifier dans ses tribunes dithyrambiques à Cameroon Tribune. Et Dieu seul sait à quel point la quête de la puissance peut rendre aveugle.

Ministre de la Communication du 7 septembre 2007 au 30 juin 2009, Jean Pierre Biyiti bi Essam aura particulièrement brillé par son aversion pour la presse privée. Alors que les médias publics engrangeront des dizaines de millions de francs pour la couverture de la visite du pape Benoît XVI (17-20 mars 2009), leurs confrères se contenteront d’un «centre de presse public» et seront invités à un «dîner de presse». Et comme on ne prête qu’aux riches, le Mincom payera chèrement cette arrogance lorsqu’il est pris les doigts dans un pot de confiture : 130 millions de francs destinés à une partie des charges liées à la visite pontificale, se retrouvent planqués dans son compte bancaire personnel. Il parle d’un souci de «sécurisation», d’un cas de force majeure. «(…) où diable voulait-on que j’aille mettre cet argent-là ? Si je voulais le détourner, je serais allé cacher cet argent chez moi au village. Est-ce que la seule façon de détourner de l’argent, c’est d’aller le mettre à la banque ?» Et puis il s’énerve définitivement : «Les gens cassent la tête aux Camerounais pour une affaire qui n’en est pas une.»

Beaucoup, y compris parmi ses proches collaborateurs, se pincent le nez et rient sous cape. Et ils sont un certain nombre, aujourd’hui, à penser que sa «déclaration de biens» de cette semaine n’est qu’une habile manœuvre pour absoudre ce «péché» auprès de l’opinion. Vu comme cela, le Minpostel risque de passer beaucoup de temps à donner des gages de bonne gestion de la chose publique.
Dans ce département où il servit jadis comme secrétaire général, on lui impute une gestion pour le moins opaque d’un fonds de liquidation de marchés publics, dont il était le président. Plus loin, on le soupçonne d’avoir emporté des véhicules administratifs. Pour d’autres encore, M. Biyiti bi Essam avait tellement courroucé son ministre d’alors, Bello Bouba Maïgari, que celui-aurait organisé un raout le soir de sa nomination au Mincom pour fêter la «libération».

Elles sont comme cela nombreuses et savoureuses, les légendes qui courent sur son compte, sur lesquelles ses détracteurs n’ont jamais pu apporter des preuves accablantes mais qui ont la peau dure. Au Mincom, où il cumulait avec les fonctions de président du conseil d’administration de la Cameroon Radio Television Corporation (Crtv), on évoque les multiples complots visant à fragiliser le directeur général, Amadou Vamoulké. «Un jour, rapporte ainsi une source, il réunit des élites du grand-Nord à qui il demande de proposer un nom pour écarter le titulaire du poste.»
Tout cela relève désormais du passé: Il n’a jamais été interdit à un humain de se dédouaner, si tant est que le Minpostel puisse se reconnaître dans ces fresques. Et s’il était donné d’attribuer des points sur le terrain de la transparence gouvernementale ou d’un semblant de vertu, ce ne serait certainement pas lui le dernier de la classe – bien au contraire !

Félix C. Ebolé Bola


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